Emmené par un beau bébé complètement fêlé à bourrelets, Fucked Up incarne le renouveau du punk hardcore. Un outsider de poids.

La bedaine proéminente à l’air, le front ensanglanté, un steak à la main ou complètement à poil les bras en croix soutenu par son groupe comme Jésus par ses fidèles… A observer quelques-unes des photos parues dans la presse ces derniers mois, Pink Eyes a le sens de la mise en scène. Pink Eyes, c’est Damian Abraham, un poids lourd de 29 ans, producteur de cinéma, plus connu pour ses beuglements au sein du groupe Fucked Up. Plutôt que de jouer les doux, Damian se veut dur et dingue. Loin du nounours attentif et attendrissant.

Originaire de Toronto, Ontario, Fucked Up est une tornade qui fait voler les studios de MTV en éclats, vaciller les ponts d’Austin lors de concerts pirates pendant le festival South by Southwest et pointe désormais le bout de son nez au large des côtes européennes. Un héritier de Black Flag et de la scène punk hardcore mais dont la musique s’accompagne de flûte, de tambourin et de violon. Fucked Up a même travaillé avec Owen  » Final Fantasy » Pallett connu pour son travail avec Arcade Fire ou encore The Last Shadow Puppets. « Mike et Josh avaient lancé une publica-tion anarcho situationniste et ils ont décidé un beau jour de la transformer en un groupe. De traduire le concept de leur magazine en musique, explique Mr Damian lors de son concert au Trix, à Anvers. Influencés par un gang de Virginie, No Justice, célèbre pour ses concerts enflammés et dévastateurs, ils ont voulu monter un band qui ne s’entendait pas outre mesure. Et donc hautement combustible. » C’est d’ailleurs en empoignant un membre du groupe encore débutant par le cou après avoir pris un gnon dans les testicules que notre homme finit par rejoindre Fucked Up. Nom tiré d’une chanson punk hardcore de N.O.T.A. « Nous vi-vions dans un taudis, une maison horrible et Mike avait écrit ces deux mots sur le mur. ça nous plaisait. On ne s’est jamais demandé si ça nuirait à notre carrière. On ne s’imaginait pas passer un jour à la télé. »

Tu sens?

Si Fucked Up vient seulement de sortir son deuxième album, The Chemistry of common life (Matador), il a déjà une quarantaine de références à son catalogue. Pour la plupart des 45 tours. « Le single est le format ultime et comme on est des grands collectionneurs de vinyle, on voulait avoir les nôtres », argue Abraham, aussi posé et gentil à la ville qu’excité et fêlé à la scène. Le gaillard chante régulièrement avec des fans sur le dos. Les bleus et les bosses qui lui décorent un crâne aussi touffu que celui de Kojak sont autant de souvenirs de ses concerts. « Je me suis occasionné cette balafre en me tailladant le front avec une lame de rasoir pour la première fois. J’ai terminé le gig mais il y avait du sang partout. Les spectateurs s’écartaient les uns après les autres. Puis, j’ai appris à me blesser proprement. Ce qui explique toutes ces coupures discrètes. »

Le barbare, doux comme un agneau, prend un de mes doigts, le pose sur le dessus de sa tempe. « Tu sens? Il y a un bout de verre là-dessous. Je me suis fracassé un plat à tarte sur la tête. On a encore interprété deux chansons avant d’aller à l’hosto. 7 points de suture. En plus, je déteste le sang. J’ai commencé en me martelant le micro sur le front. Les gens étaient prêts à payer de l’argent et à se bouger pour me voir, je me suis dit que je pouvais au moins sacrifier un peu d’hémoglobine. «  C’est ce qu’on appelle suer sang et eau.

Rencontre Julien Broquet

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