Pour son troisième album, Franz Ferdinand a retrouvé le « dansant » et insiste: la pop est trop courte pour ne pas en profiter.

La pop n’a jamais été chose simple à manipuler. Au contraire. Plus élémentaire elle paraît, plus insaisissable elle en devient. Il était donc logique que 2004 salue comme il se doit l’arrivée de Franz Ferdinand, quatre gars de Glasgow bien décidés à réinventer la roue. A tout le moins réintroduisirent-ils dès leur premier album éponyme une certaine idée de la pop, directe et maligne à la fois. Arty aussi. Forcément quand on emprunte son nom à l’archiduc tué à Sarajevo en 1914, cite Dali, et reprend le portrait de Lilya Brik pour la pochette de son deuxième essai. L’album en question s’intitulait You Could Have It So Much Better. Prolongation énervée du premier disque, il sortait un an à peine après celui-ci. De quoi épuiser les plus fougueux. Du coup, il a fallu le temps de recharger les batteries, retrouver l’envie, et… se perdre en route.

Heureux qui comme…

Ce n’est donc que ces jours-ci que sort Tonight: Franz Ferdinand. Un album qui rebondit volontiers sur la piste de danse, et présenté comme un disque nocturne. Pour expliciter, Bob Hardy (basse) et Nick McCarthy (guitare), rigolards et affables, sont attablés dans un coin de la cantine de la Cigale (le groupe y joue le soir-même dans le cadre du festival des Inrocks), à Paris.  » Le meilleur moment de la nuit?, selon Hardy. Peut-être quand le pub s’apprête à fermer, et que vous devez vous décider si vous allez prolonger la soirée en club ou pas. » Le bassiste ne pouvait pas mieux dire. Ces hésitations, c’est l’histoire même de ce troisième disque. Les magazines spécialisés les ont suivies de près – le prix à payer quand on a vendu près de 5 millions d’albums. Le récent single se nomme Ulysses. Ce n’est pas pour rien: la confection de ce Tonight n’est pas loin d’avoir ressemblé par moment à une épopée homérique.

Il a ainsi été beaucoup glosé sur le travail entamé avec Brian Higgins, maestro es-pop kleenex et clinique. De son laboratoire baptisé Xenomania, est notamment sorti le band Girls Aloud.  » En fait, explique McCarthy, on s’est rencontrés sur une reprise de Bowie, enregistrée pour une compilation de Radio One. Après ça, on a voulu voir s’il y avait moyen d’aller plus loin, sans forcément partir sur tout un album. C’était l’occasion d’essayer autre chose, de tenter une nouvelle combinaison. On était intrigué par son monde, par sa manière de travailler. Mais pour être honnête, on a très vite réalisé que cela n’allait pas fonctionner. « 

Cabrioles

Ce que McCarthy ne dit pas, c’est l’impasse dans laquelle semble alors se trouver le groupe. Les quatre cherchent, essayent, expérimentent. A l’époque, McCarthy évoque même la possibilité de piocher l’inspira-tion dans la musique africaine. Unan plus tard, seul un titre comme Send Him Away évoque encore, de loin, cette piste. Pour le reste? Comme d’habitude. Lorsque le rock tourne en rond, c’est la danse qui vient à son secours. Hardy nuance:  » Je pense que cela marche mieux quand un groupe reste ouvert aux autres genres. Mais que ce soit la dance ou autre chose. Du moment que cela reste de la bonne musique. Regardez Bowie, il est parti dans plein de directions différentes tout en restant cohérent.  »

N’empêche: c’est bien la basse qui mène les débats dans No You Girls Never Know, comme sur Live Alone ou Can’t Stop Feeling où elle est appuyée par un beat quasi disco. En fait, le groupe revient en gros aux inclinations dance de son premier disque.  » Sur notre deuxième album, on a poussé les guitares en avant. Cette fois-ci, on a voulu éviter ça et faire quelque chose qui soit plus groovy, avec davantage de claviers. En général, on en avait marre de ce son. En ce moment, en Angleterre, si tu écoutes la radio, la plupart des groupes balancent des guitares assez rêches. Et c’est tellement chiant.  »

Franz Ferdinand a donc cherché à sonner plus rond. Sans pour autant tout révolutionner: Franz Ferdinand reste Franz Ferdinand, il ne faut pas deux mesures pour s’en rendre compte. Et tant pis pour ceux qui attendaient le grand chambardement. Par contre, le quatuor n’a toujours pas son pareil pour multiplier les cabrioles et les zigzags en un minimum de temps, ne dépassant qu’à deux reprises les trois minutes trente.  » Au-delà, on perd souvent notre attention, reconnaît McCarthy . D’ailleurs, quelle était encore la question? » (rires). Hardy enchaîne:  » En même temps, toutes les chansons de l’album existent en version longue. Généralement, on jouait pendant une heure et on repiquait les meilleurs moments. Un peu comme les JB’s (Ndlr: les musiciens de James Brown) qui jammaient pendant une heure et demie pour en garder les trois meilleures minutes. » Seule exception: le morceau Lucid Dreams, leur virée la plus électronique, qui dépasse les 8 minutes.  » C’est parce que dans ce cas-ci, on avait deux heures de bandes! (rires) On n’est pas arrivé à dompter la bête. »

Tonight: Franz Ferdinand, chez Domino.

En concert (complet), le 12/03, à l’Ancienne Belgique.

Rencontre Laurent Hoebrechts, à Paris

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