DEPUIS SEIZE ANS MAINTENANT, ANIMAL COLLECTIVE EN FAIT VOIR DE TOUTES LES COULEURS À UN PSYCHÉDÉLISME QU’IL A FAIT ENTRER DANS LE XXIe SIÈCLE. ATTENTION PEINTURE FRAÎCHE.

Dans les conversations de comptoir comme les discussions de fin de soirée, il y a toujours un vieux con pour regretter le temps passé, clamer que c’était mieux avant et assener, péremptoire, qu’on n’a plus rien inventé en musique depuis 30 ans. Animal Collective est un vaccin efficace contre ces peine-à-jouir nostalgiques, rabat-joie de la culture aux oreilles plongées dans le formol bien avant le bug de l’an 2000. A coups de disques tordus, d’expérimentations sonores, de chansons de feu de camp bidouillées, d’aventures extraterrestres et sous-marines, Noah Lennox, Dave Portner, Brian Weitz et Josh Dibb ont inventé une nouvelle forme de psychédélisme. A la fois tribale et futuriste.

Dixième album de ces empêcheurs de tourner en rond, Painting With est présenté comme la rencontre du punk et de la techno passée au filtre animal collectivien. Une recherche éperdue de la simplicité? « Ça reste compliqué. C’est du Animal Collective, sourit Portner, alias Avey Tare, dans la bibliothèque d’un hôtel amstellodamois. Mais c’est le disque le plus simple qu’on a fait depuis un bout de temps. Le plus minimaliste aussi. Ce n’est pas vraiment un album punk. Pas vraiment un disque techno non plus. »

Ramones, Beatles, musique électronique, hommes préhistoriques… En guise de point de départ, les gugusses se sont envoyé par SMS quelques idées auxquelles se raccrocher. « On ne parle pas de la facette triste et mélancolique des Fab Four hein. Plutôt de Ramones techno… Des chansons courtes. Un songwriting pop à l’ancienne. Des morceaux de deux minutes cinquante durant lesquelles beaucoup de choses se passent. »

Le tout secoué dans le shaker Animal Collective. « Quand tu es musicien, c’est facile de se dire: « Essayons de sonner comme ce tube de Missy Elliott ». Mais ça ne marche jamais avec nous quand on s’y prend trop frontalement. On a essayé parfois. Quand on bossait sur Dance Manatee, on était excités et inspirés par le R’n’B moderne, les Destiny’s Child, la façon qu’avait Timbaland d’utiliser les rythmes. Mais la meilleure chose avec Animal Collective, dans le fait de bosser avec ces mecs, c’est de les laisser apposer leur griffe à mes idées. Si tant est que ces idées soient les miennes. La collaboration donne au groupe sa propre personnalité. »

Deakin, le perfectionniste, accaparé par son album solo, c’est en mode trio, comme pour Merriweather Post Pavilion, que revient avec Painting With le collectif animalier. Même si ce n’est pas dans leurs habitudes, les trois bestioles ont demandé un peu d’aide au génial saxophoniste Colin Stetson (collaborateur d’Arcade Fire et de Bon Iver) et à l’un de leurs plus illustres fans: l’ex-Velvet Underground John Cale.

« On est un groupe très insulaire et le sax est dans un tas de circonstances un instrument que je déteste. Mais John (avec qui Abby, la soeur de Portner, a collaboré) et Colin sont uniques. »

Pas de test grandeur nature sur scène comme ils en avaient jadis coutume. Après avoir bossé leurs démos à distance et passé deux semaines dans un petit studio de Caroline du Nord, à Asheville, cité universitaire plantée au milieu des montagnes, Animal Collective s’en est allé enregistrer à Los Angeles, sur Sunset Boulevard, dans les légendaires EastWest Studios construits par Bill Putnam.

« C’est une légende de l’enregistrement. Frank Sinatra a été le chercher à Chicago et l’a amené à Los Angeles pour construire ces deux studios: United Western et EastWest. »

Cet endroit très classique, où ont notamment bossé les Beach Boys et Marvin Gaye, Animal Collective se l’est accaparé avec une piscine pour enfants, des bougies et la projection en boucle d’un film compilant des images de dinosaures. « Généralement, on change surtout l’éclairage. On amène nos ampoules. Sung Tongs, par exemple, a été enregistré dans le rouge. On a toujours apporté des trucs en studio. Pour leur donner notre propre couleur. Y amener une humeur. Créer notre petit monde. Chacun prend son totem. L’un ou l’autre effet personnel pour humaniser le processus. Cette fois, on s’est focalisés sur les éléments naturels. On avait des bougies pour le feu, une piscine de bébé pour l’eau et quelques pierres. Puis, on a enregistré les voix sur des espèces de promontoires en bois. Pour être surélevés et leur donner cet aspect aérien. »

Pochettes surprises

Au-delà de sa référence aux dadaïstes, le titre élastique FloriDada est une ode à la destruction des frontières. Un appel à faire disparaître les séparations et les barrières. Il résonne presque différemment depuis les événements de Paris où le disque a été mixé. « Un jour, je suis tombé sur une émission bavarde comme on en entend souvent à la radio le matin. Ils demandaient: « Quelles sont les choses débiles que font les gens en Floride à cette heure-ci? » Ça m’a fait chier. C’est rien de bien grave. Mais la Floride est souvent montrée du doigt. Ça contribue à une forme de négativité. L’idée que j’ai voulu transmettre dans ce disque, c’est qu’on doit respecter nos différences. Les gens ne peuvent pas être les mêmes et c’est génial comme ça. Parfois je regrette qu’il n’y ait pas davantage de respect pour les particularités. Ce serait quand même plus gai de vivre dans un monde tolérant. »

L’esprit d’ouverture est chevillé au corps des bestioles… « Je m’intéresse à tous les arts visuels. Le cinéma, la peinture ou encore le collage exercent une influence non négligeable sur ma musique. Si cet album était une toile, ce serait sans doute un Man Ray », image-t-il tout en avouant son amour pour Francis Bacon, Picasso et Kandinsky. Painting With a trois pochettes différentes. Toutes conçues par leur pote Brian DeGraw. Presque normal pour un groupe qui ne sait et ne veut rien faire comme les autres.

PAINTING WITH, DISTRIBUÉ PAR DOMINO.

7

LE 01/04 AU BOTANIQUE.

TEXTE Julien Broquet, À Amsterdam

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