PEINTURES MURALES – Passionnée de street art, l’historienne Fabienne Grévy a rassemblé 300 photos de graffitis dans un livre qui met l’art au pied… du mur.

Certains collectionnent les boîtes d’allumettes ou les cartes postales. Fabienne Grévy, ce sont les graffitis. Ou plus exactement les photos de graffiti, que cette historienne française accumule depuis bientôt dix ans au gré de ses pérégrinations dans Paris et dans sa banlieue. Sa collection compte aujourd’hui 4 000 images, qui composent un musée imaginaire autour de l’art de la rue.

De l’art, ça? Oui. Car sous la couche piquante pour les yeux des tags, marqueurs identitaires aux prétentions esthétiques minimalistes, se cachent de véritables trésors artistiques. On parle d’ailleurs de post-graffiti pour distinguer ces fresques urbaines des « signatures » fiévreusement griffonnées avec la complicité de la nuit pour marquer un territoire, signaler une présence ou scander son mal-être. Le tag est à la peinture ce que l’onomatopée est au langage. Un cri, une déflagration brutale et intempestive. Alors que les nouvelles formes de graffiti lorgnent plutôt du côté de la poésie.

De son riche album, Fabienne Grévy a extrait 300 instantanés qu’elle a réunis dans un livre à l’épaisse couverture cartonnée. L’ouvrir, c’est prendre un aller simple pour un monde pictural enchanteur. Pas toujours orthodoxe certes, mais extrêmement créatif, rafraîchissant et délicieusement subversif. La critique est tantôt virulente, avec un fort parfum soixante-huitard, comme dans ce pochoir affirmant que  » le grand ennemi de l’art, c’est le bon goût« ; tantôt discrète au point de se diluer dans des dessins qui n’ont d’autres prétentions que de distraire, de séduire ou d’embellir un coin de grisaille.

TROMPE-L’£IL

Avec plus ou moins d’humour, les graffeurs s’en donnent à c£ur joie. La ville devient un bestiaire où défile une fauneétrange: fillettes, femmes, gros matous, robots, fantômes et logotypes en tous genres. L’ingéniosité règne en maître. Un coup de pinceau ou de bombe et un signe urbain aussi banal qu’une plaque d’égout se métamorphosent en cage thoracique d’un squelette gisant sur le sol. Les artistes jouent avec notre regard, l’incitent à voir autrement, au-delà des apparences.

Ce qui frappe le plus, c’est la variété des styles et des techniques utilisées. Au carrefour des arts « classiques » et de l’art tout-terrain, le post-graffiti fait feu de tout bois. Affiches, stickers, collages, sérigraphies, pochoirs, mosaïques donnent vie aux murs qui les portent, qu’ils soient moches, sales ou méchamment balafrés. C’est parfois l’artiste lui-même qui entaille la pierre pour lui donner la forme d’une tête de mort qu’il sera bien difficile d’effacer… Tous les coups sont permis dans la rue. Une balade sur les trottoirs de Paris en compagnie de Pez, Monsieur Chat, Fremantle ou JR qui vaut largement le détour.

LAURENT RAPHAëL

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