WALTER SALLES REPREND LA ROUTE – LE RÉALISATEUR BRÉSILIEN SIGNE UNE ADAPTATION FIDÈLE À L’ESPRIT PLUTÔT QU’À LA LETTRE DU ROMAN CULTE DE JACK KEROUAC, POUR UN VOYAGE INITIATIQUE OÙ LE GOÛT DE LA LIBERTÉ N’EST PAS SANS AMERTUME…

DE WALTER SALLES. AVEC GARRETT HEDLUND, SAM RILEY, KRISTEN STEWART. 2 H 20. DIST: TWIN PICS.

Si l’on a reproché à Walter Salles la trop grande sagesse de son adaptation de On the Road, le roman culte de Jack Kerouac et manifeste de la Beat Generation, la redécouverte du film à la faveur de sa sortie en Blu-ray vient pourtant en confirmer la pertinence. Plus qu’à la lettre -intraduisible, il est vrai-, Salles s’en est tenu à l’esprit de l’£uvre: On the Road, c’est avant tout un road- movie aspirant Sal Paradise (Sam Riley), un apprenti écrivain new-yorkais, et Dean Moriarty (Garrett Hedlund), son jouisseur de compagnon de voyage, dans l’immensité de l’Amérique des années 40 finissantes. Et qui va les voir multiplier les rencontres au gré de leurs pérégrinations, tout en s’aventurant à la recherche d’eux-mêmes sur un beat aléatoire -l’équipée tient plus de l’improvisation jazzy que de la ligne droite, en effet.

L’éveil d’une conscience

A défaut peut-être d’aspérités, il émane du film de Walter Salles un appréciable sentiment de liberté, celui qui berçait déjà Diaros de Motocicleta, dont On the Road peut d’ailleurs apparaître comme le pendant. D’un voyage initiatique l’autre, en effet, le premier débouchant sur l’éveil d’une conscience politique, le second sur celui d’une conscience artistique -processus qui, dans le chef de Sal Paradise/Jack Kerouac n’ira pas sans une certaine amertume, qui fait aussi le prix de ce film. L’interprétation, habitée de Garrett Hedlund et Sam Riley, sensuelle de Kristen Stewart et allumée de Viggo Mortensen, achève de faire de On the Road une réussite, dont la moindre des qualités n’est certes pas de résonner comme une invitation pressante à redécouvrir Kerouac.

Soignée, l’édition Blu-ray propose une passionnante interview où Walter Salles remonte aux origines du projet, lorsqu’il fut approché par l’American Zoetrope de Francis Ford Coppola en 2004, l’entreprise devant ensuite l’occuper par intermittence pendant cinq ans. La passion pour le livre étant insuffisante à ses yeux pour se lancer dans l’adaptation, le réalisateur brésilien commencera par réaliser un documentaire A la recherche de On the Road -un passage obligé, qu’il relate ici par le menu, comme les étapes successives de la production: scénario, casting, et l’on en passe. Sans lien direct avec On the Road, le second bonus proposé n’en est pas moins précieux, puisqu’il s’agit de O Primeiro Dia, film inédit de Walter Salles et Daniela Thomas (coauteure de Linha de passe), réalisé en 1997 dans la perspective de la série 2000 vu par. Et les réalisateurs d’entrecroiser, dans l’effervescence de Rio se préparant pour le réveillon du siècle, les destins de Joao, un détenu devant exécuter un ami pour prix de son évasion, et de Maria, jeune femme que le départ de son compagnon plonge dans le plus grand désespoir. En résulte un film en prise sur un réel âpre, se déroulant dans l’attente d’un hypothétique premier jour; inscrit, lui aussi, dans un temps en suspension.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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