DE 1939 À 1948, CINQ DÉCLINAISONS À LA SAUCE UNIVERSAL MONSTERS DU ROMAN CULTE DE MARY SHELLEY SUPERBEMENT ÉDITÉES PAR LES FRANÇAIS D’ELEPHANT FILMS.

Cinq fois Frankenstein

LE FILS DE FRANKENSTEIN. DE ROWLAND V. LEE. AVEC BORIS KARLOFF. 1939.

LE SPECTRE DE FRANKENSTEIN. D’ERLE C. KENTON. AVEC LON CHANEY JR. 1942.

FRANKENSTEIN RENCONTRE LE LOUP-GAROU. DE ROY WILLIAM NEILL. AVEC BELA LUGOSI. 1943.

LA MAISON DE FRANKENSTEIN. D’ERLE C. KENTON. AVEC GLENN STRANGE. 1944.

DEUX NIGAUDS CONTRE FRANKENSTEIN. DE CHARLES BARTON. AVEC GLENN STRANGE. 1948. DIST: ELEPHANT FILMS.

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Sous la houlette séminale de James Whale, Frankenstein, en 1931, puis La Fiancée de Frankenstein, en 1935, imposent sur grand écran le mythe créé plus d’un siècle plus tôt par Mary Shelley. Un double et vibrant éloge de la différence dans lequel Whale, investi, transcende le rejet suscité par sa propre homosexualité. De 1939 à 1948, cinq films réalisés par d’autres, et diversement inspirés, suivront (six, en fait, si l’on compte House of Dracula, en 1945, où apparaît également le monstre de Frankenstein) sous bannière Universal. C’est ce corpus sériel, et un brin oublié, que l’indispensable éditeur français Elephant Films choisit aujourd’hui de mettre en lumière.

Délaissant la fable sur la tolérance pour privilégier la thématique de l’aveuglement scientifique -la quête prométhéenne de la source de vie-, Le Fils de Frankenstein (1939) réduit peu ou prou la créature (Boris Karloff, comme chez Whale) à une servile machine à tuer pilotée par le vilain et ricanant Ygor. Et vaut surtout pour ses superbes décors expressionnistes à la géométrie de guingois, ainsi que son récit tragique -Wolf Frankenstein, fils du célèbre baron, hérite du virus paternel- en forme d’engrenage fatal. Trois ans plus tard, Le Spectre de Frankenstein, plus fauché et anecdotique, renoue, le temps notamment de la très belle scène de la fillette au ballon, avec les obsessions de la différence (sous les traits de Lon Chaney Jr.) et du rejet, incarné par une foule abrutie invariablement armée de flambeaux. Mais la formule tourne quelque peu en rond.

La créature ne se suffit plus à elle-même? On lui adjoint des compagnons de jeu. C’est d’abord le loup-garou dans Frankenstein rencontre le loup-garou (1943), le lycanthrope se taillant même intégralement la première moitié d’un film où domine la dialectique souveraine de l’ombre et de la lumière. Mais s’il est d’abord question de désamorcer la violence, la tragédie semble peu à peu et à nouveau inévitable, ce que vient confirmer un final paroxystique où à l’affrontement entre les deux monstres sacrés (Bela Lugosi et Lon Chaney Jr.) répond encore la spectaculaire explosion d’un barrage, semant stupeur et désolation. Dracula les rejoint pour un super cross-over avant l’heure dans La Maison de Frankenstein (1944), épisode bâtard où la disgrâce, la monstruosité, sont toujours vécues comme une intenable souffrance. C’est désormais Glenn Strange, tout en inévitable raideur, qui s’y colle, et il offre un contrepoint parfait, quatre ans plus tard, à la paire burlesque Abbott & Costello dans Deux nigauds contre Frankenstein (notons au passage que le titre confond allègrement la créature et son créateur), une très chouette comédie horrifique qui sonne paradoxalement le glas de Frankenstein dans la série des Universal Monsters: en introduisant le rire dans l’effroi, le voile de révérence s’est dissipé. La Hammer, bien sûr, prendra le relais à la fin des années 50, mais ça c’est une autre histoire…

Joliment emballé, chaque film est introduit avec fougue par l’inénarrable Jean-Pierre Dionnet. Et l’ensemble s’accompagne d’un livret collector au titre éloquent: Les monstres ne meurent jamais. C’est peu de le dire.

NICOLAS CLÉMENT

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