Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DEVOIR DE MEMOIRE – En Belgique aussi, la machine génocidaire nazie (et ses complices locaux) a pris son lot de victimes. Un film exemplaire nous le rappelle utilement.

De Hugues Lanneau. 1 h 38.

Il est des chiffres qui donnent froid dans le dos et font resurgir une indicible horreur. Entre 1942 et 1944, 24 916 Juifs furent déportés de Belgique vers le camp d’Auschwitz. Seuls 1 206 en sont revenus… Le sujet méritait une étude que menèrent d’abord, même si tardivement, les historiens. Le cinéma ne pouvait être en reste. Voici quelques années, les frères Dardenne s’étonnaient par exemple de l’absence d’un film évoquant complètement et rigoureusement l’application de la « solution finale » dans notre pays durant l’occupation allemande.

Initié par Willy Perelsztejn, qui en est aussi le producteur, et réalisé par Hugues Lanneau, Modus operandi fait beaucoup mieux que venir combler un manque. Ce documentaire de très grande qualité s’érige en exemple de travail nécessaire, indispensable même, sur une mémoire de plus en plus menacée à mesure que les témoins s’éteignent et que l’antisémitisme le plus haineux regagne du terrain (1). Ses auteurs ont rempli leur double objectif d’être  » délibérément pédagogiques » et d’offrir  » une fiabilité rigoureuse sur le plan scientifique« . S’appuyant sur le travail d’historiens et de journalistes (dont José Gotovitch, Jean-Philippe Schreiber, Luis Angel Bernardo y Garcia et Jean-Jacques Jespers), Lanneau et Perelsztejn ont réuni une abondance de faits qu’ils nous présentent, à raison, dans leur terrifiante chronologie.

CONVOIS VERS AUSCHWITZ

Identification de la population juive, exclusion de la vie économique et sociale, port obligé de l’étoile jaune, convocations pour « mise au travail », rafles et arrestations, déportations et extermination se succèdent ainsi. Sans oublier le sauvetage de certains (trop peu nombreux) et l’attitude inégale d’autorités belges dont certaines prêtèrent à l’occupant nazi un concours parfois bien empressé… Pour séparer les chapitres du film, des cartons scandent la liste des 26 convois partis vers Auschwitz, avec chaque fois la date, le nombre de déportés et celui des rares survivants. Des faits, des chiffres, naît une émotion d’autant plus profonde que jamais Modus operandi ne cherche à la créer par l’appel direct aux sentiments du spectateur.

Mais l’austérité ne signifie pas l’ennui, et le film est captivant. De belles idées visuelles (comme l’utilisation de certaines façades de bâtiments « nazifiés » à l’époque pour y projeter des images) viennent affirmer la dimension proprement cinématographique d’une £uvre qui bénéficie d’une vraie sortie dans les salles du pays avant de poursuivre sa vie en DVD et à la télévision. Sur le pourquoi des choses, d’autres proposeront leur explication. Mais sur le comment de la déportation des Juifs en Belgique, le travail de Perelsztejn et Lanneau est appelé à faire date.

www.film-modusoperandi.be

(1) Il n’est plus rare de voir la simple mention du génocide des Juifs susciter dans certaines classes le rejet d’élèves qui en rendent l’enseignement difficile, voire impossible…

retrouvez louis danvers sur la première de la rtbf. chaque mercredi, entre 12 et 13 heures, louis danvers commente les sorties cinéma et l’actualité culturelle dans « culture club », l’émission de corinne boulangier et eric russon.

LOUIS DANVERS

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