Les Abattus

Que faire d’un protagoniste qui observe un peu la vie comme elle vient? Noëlle Renaude le fait disparaître aux deux tiers des Abattus. Ce narrateur, jeune garçon d’une petite ville de province française que l’on suit depuis sa naissance en 1960 jusqu’à son évaporation en 1983, vit au rythme d’une famille dysfonctionnelle conduisant chacun des trois fils à des destins éloignés. Le cadet présente des capacités mais semble ne pas avoir particulièrement envie de s’ancrer dans le réel des autres, si bien que son évanouissement dans les pages du roman n’inquiète personne. L’attention des personnages « secondaires » étant de toute façon éclipsée par une série de morts inexpliquées autour de cet éternel anonyme. Aux codes du roman noir, l’autrice emprunte un arrière-plan social rude mais sacrifie l’intrigue policière au jeu littéraire sur l’existence même de ses personnages. Principe qu’elle a déjà développé dans ses nombreux écrits pour le théâtre (elle signe ici son premier roman sous son propre nom) et qu’elle applique dans cette commande des éditions Rivages troublante d’efficacité. Son écriture nous capte de bout en bout par ses petites phrases précises. Bien qu’apparemment inactif, son narrateur s’avère un observateur attentif, patient et intelligent du petit manège alentour, paradoxe d’un être qui n’a pas pu ou voulu être au monde.

De Noëlle Renaude, éditions Rivages, 416 pages.

7

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