L’art du spectacle

Festin visuel et gore Des débuts de la Xbox 360, Gears of War tournait en rond ces dernières années. Son cinquième épisode brise le cercle vicieux. Un miracle.

Peuplée de soldats bovins sous hormones, la saga des Gears of War beugle depuis treize ans comme l’archétype d’un jeu vidéo sous testostérone. La série exclusive à la Xbox sert d’ailleurs -comme Call of Duty– de mètre étalon pour mesurer le gouffre séparant le gaming mainstream des productions indés à message. D’aucuns snoberont donc le cinquième volet de ce blockbuster avide de tronçonneuses et de sang. Grave erreur. Sans renier son ADN gore, le jeu de tir vu à la troisième personne entame en effet une étonnante mue cette saison.

Se glissant sous l’armure de Kait Diaz, Gears 5 met en avant un personnage secondaire du précédent volet, sans forcer le trait. L’humanité y est toujours au bord du gouffre, face à des hordes de mutants. Les flash-back de l’héroïne et ses liens avec les bad guys flottent sur un pitch bateau qui n’hésite étonnamment pas à développer des thématiques interpellantes. Notamment l’idée d’appartenance à un camp dont on n’est pas forcément fier.

D’un frère d’arme qui ne regrette pas avoir tiré sur des manifestants civils à une vérité (celle d’un chercheur allié sadique) dont on ne sait que faire, les sous-intrigues de Gears 5 lui offrent un étonnant relief. Mieux, le jeu ose même ne pas se prendre au sérieux, le temps d’un étonnant combat, sur un air de comédie musicale de Broadway.

Gears Theft Auto 5?

Se planquer derrière un muret et brièvement s’exposer au feu adverse pour tirer, puis se remettre fissa à couvert: Gears 5 ne change pas son mantra originel. Gameplay as usual? Pas exactement. Entre deux fusillades, The Coalition offre des balades désertiques et glacées sur un élégant traîneau à voile. Ce petit monde ouvert ne se parcourt pas comme un GTA, mais il offre une poignée de missions secondaires et un peu d’exploration. De quoi aérer l’action.

Doué d’un sens du rythme et de la variété digne des meilleurs Uncharted, Gears 5 glisse également des petites phases de pseudo-infiltration. On essaie d’y trouver le chemin idéal, dans un dédale de couloirs, pour éliminer des cyborgs dans le dos. Plus loin, à bord d’un mecha ou dans la peau d’un monstrueux adversaire, on se cramponne à la manette. D’autant que le bestiaire, furieusement original, réjouit. Des monstres de trois étages, robots mutants, tripodes acrobates et autres chimères capables de sauts périlleux forcent à fréquemment réexaminer son approche offensive.

L'art du spectacle

Beau à se damner, Gears 5 marie en outre le fond et la forme avec talent, notamment lorsqu’il balance des nuées de sangsues volantes. Leur ballet aérien en temps réel terrifie. On peste ensuite face à une tempête de glace coupante gênant la visibilité des combats. Des congères gigantesques accrochées sur des arbres géants, un désert rouge zébré d’éclairs flippants, un village géothermique lové dans la cage thoracique titanesque d’un monstre mythique: avec élégance, Gears 5 cultive l’art du spectacle intelligent dans le petit monde des blockbusters du jeu vidéo. Une qualité assez rare que pour être soulignée.

Gears 5

édité par Microsoft Studios et développé par The Coalition, âge: 18+, disponible sur Xbox One.

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