Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

PLUS GLOUTON QUE JAMAIS, LE DUO FRANÇAIS THE SHOES DÉGOUPILLE UN DEUXIÈME ALBUM ÉLECTRO-POP QUI NE RESTE JAMAIS EN PLACE. LE PIED.

The Shoes

« Chemicals »

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

7

Parce qu’ils viennent de Reims, la musique concoctée par The Shoes a souvent été qualifiée de pop « champagne ». Facile, un peu paresseux, mais pas complètement à côté de la plaque. Le duo formé par Guillaume Brière et Benjamin Lebeau pratique en effet la pop avec un panache régulièrement épatant. C’était déjà le cas avec leur premier album, Crack My Bones, sorti en 2011. Un joli succès à dimension internationale, qui les amènera à bosser par la suite aussi bien sur des remix de Shakira que sur des productions de Woodkid, Raphael, ou Gaëtan Roussel… Quatre ans plus tard, ils reprennent les choses là où ils les ont laissées, en les poussant encore un peu plus loin.

Un ado en BMX occupait la pochette de Crack My Bones. Sur celle du nouveau Chemicals, il a laissé place à un autre visage de teenager, mais en noir et blanc cette fois, à l’expression nettement plus angoissante. Benjamin Lebeau explique: « On choisit généralement la pochette au tout début de processus de composition. On imprime la photo en grand, et on l’affiche en studio. Nous qui avons tendance à souvent nous éparpiller, à partir dans des tas de directions différentes, cela nous permet de ne pas trop déborder, de clôturer un peu le terrain de jeu. Du coup, l’album est en effet plus sombre. Ce n’est pas un disque dépressif pour autant, loin de là. Il est peut-être juste un peu moins lumineux. »

Plus teigneux, Chemicals se plaît également à revisiter une certaine idée de la pop indépendante, comme on pouvait la pratiquer à la fin des années 90. Le titre de l’album fait certes référence à l'(al)chimie qui peut exister entre deux amis de plus 20 ans –« On s’est rencontrés à dix, et on a commencé à faire de la musique ensemble à quatorze. Depuis, on n’a plus arrêté »-, tout comme aux expérimentations pratiquées en studio –« on est comme deux laborantins ». Mais Chemicals renvoie aussi explicitement aux Chemical Brothers, « et à tous ces groupes des années 90, comme Underworld, Björk ou encore les disques que sortait le label Warp », à la fois originaux et populaires.

La démarche aboutit à un disque gourmand, dont chaque morceau diffère ou presque du précédent, rebondissant sans cesse là où on ne l’attend pas: on ne s’embête pas une seconde chez The Shoes. Des contours new wave de Lost in London (avec Petite Noir), on passe au gimmick EDM de Us & I, tandis que Give It Away rappelle l’électro-pop à la Beloved. Parfois, le grand zapping s’opère au sein même d’un seul et même morceau, comme sur Drifted: « Cela commence en effet comme une compilation Thunderdome, avant de virer à la ballade piano à la John Lennon », rigole Lebeau.

Aussi improbable que cela puisse paraître, la formule fonctionne. C’est la grande réussite de Chemicals, attachant puzzle musical monté de travers. A se demander comment le duo a survécu à un tel montage. « On aime tellement de musiques différentes, on a envie de partir dans tellement de directions, qu’il y a forcément parfois des engueulades. Mais au final, on a la chance de tomber souvent d’accord. En fait, on ne se bat pas tous les deux, mais à deux. »

LAURENT HOEBRECHTS

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