Blue Flamingo, alias Ziya Ertekin, n’est pas un DJ comme les autres. Rien qu’à son allure, on peut le deviner. Attablé au restaurant du Musée des instruments de musique, à Bruxelles, Ziya Ertekin porte veston-cravate. Certes, comme nombre de ses confrères, il a abandonné le vinyle. Mais pas pour passer au CD ou aux fichiers numériques. Lui, c’est les 78 tours en bakélite qu’il fait tourner…

A la base, Ziya Ertekin – père turc, mère hollandaise – a suivi des études de mode. Mais sa passion pour la musique va vite l’emporter. Elle passe par une collection de disques, qui du vinyle va petit à petit basculer vers les 78 tours. Cela n’a pas toujours été le cas. « Dans les années 90, je collectionnais les disques du label Warp: Aphex Twin, Squarepusher… C’était une époque passionnante. Chaque semaine, vous alliez chez le disquaire et il proposait quelque chose de neuf. Je me souviens aussi d’un voyage à Londres qui m’a permis de découvir la drum’n’bass. Quand il y avait un concert du genre près de chez moi, il y avait 4 personnes dans la salle. Dont l’artiste… » La mutation est d’autant plus spectaculaire: comment Ziya Ertekin a pu passer de la musique électronique la plus expérimentale aux vieux 78 tours poussiéreux? « Il y a encore des musiques fantastiques qui sortent tous les jours. Mais je ne retrouve plus cette même excitation. Finalement, ce que je recherche dans ces vieux disques, c’est une certaine authenticité, cette impression que quelque chose se passe. On trouve dans les premiers enregistrements des années 20 quelque chose de très spontané, très pur. »

à l’ancienne…

L’an dernier, il sortait un premier CD, qui présentait quelques-unes de ses pépites récoltées au fil des années: jazz, rumba, blues, mambo… Peu importe le genre, pourvu que la galette craquèle? « Ce sont des musiques différentes, mais qui ont pour point commun d’être apparues avant les 45 t et le vinyle. Les 78 tours provenaient d’enregistrement sur une seule bande, et gravé directement, en une prise. En d’autres mots, ce n’est que de la musique live. Quand vous prenez conscience de ça, c’est un monde qui s’ouvre! » Particularité des sets DJ de Blue Flamingo: il ne fonctionne qu’avec un seul tourne-disques. Il ne mixe donc pas, laissant de généreux blancs entre les morceaux, sans que ça gêne. « Cela fait partie de cette musique et de cette époque, où tout était plus lent. Où il n’y avait pas d’ordinateurs portables, et d’e-mails, qui rendent notre vie si agitée. Et puis, cela met d’autant mieux en valeur le disque: à chaque blanc, les gens attendent quel sera le prochain, cela crée des attentes. »

Sa collection, Ziya Ertekin l’enrichit régulièrement, en arpentant les brocantes. Au fil du temps, il s’est également constitué un réseau. Certains, connaissant son amour pour le format antique, l’appellent aussi directement pour vider le grenier d’un proche décédé. Sa passion l’a également amené à voyager jusqu’à Cuba. « J’avais lu une interview du pianiste jazz Jerry Roll Morton par Alan Lomax, datant des années 30. Il expliquait que sans l’apport hispanique, il n’y aurait pas eu de jazz. Donc j’ai voulu aller voir sur place. Pas pour me pencher sur le ‘son’, ou le répertoire d’un groupe comme le Buena Vista Social Club, mais pour creuser une musique plus ancienne, comme la habanera… Je désespérais un peu, quand en rentrant à l’hôtel, tout à coup, j’ai entendu une vieille dame jouer au piano. Elle avait été professeure au conservatoire, et la habanera était sa spécialité. Elle a pu m’expliquer plein de choses. Ce sont des moments uniques! »

Blue Flamingo, « 78 R.P.M. « , chez Excelsior/V2.

Le 27/10, à l’ Ancienne Belgique, Bruxelles.

www.ziya.nl

L.H.

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