Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Du 12 au 15 février, Bruxelles accueille l’Affordable Art Fair, un événement qui entend mettre l’art contemporain à la portée de – presque – toutes les bo urses. Attention, lame de fond.

Démocratiser l’art. Le mouvement n’est pas neuf. Il plonge ses racines dans un courant d’idées contestataires plus large qui entend éloigner art et création des mar-chands du temple. En ligne de mire, éviter que l’art ne devienne un produit comme un autre dont l’argent fixe la valeur ultime. Il y a 10 ans, Will Ramsay à Londres a lancé la première Affordable Art Fair (AAF). L’idée? Créer une plate-forme éphémère de rencontres entre grand public, artistes et galeristes. A l’époque, l’homme entend rompre avec l’étiquette élitiste qui colle à la peau de l’art contemporain. Trop de gens n’envisagent même pas de pousser la porte d’une galerie tant cet univers leur semble inaccessible. Ramsay espère ainsi mettre fin au fossé qui se creuse entre les uns et les autres. Depuis, cette initiative s’est répandue comme une traînée de poudre autour du globe. New York, Sidney, Paris, Amsterdam, Bristol… Toutes ces villes proposent une Affordable Art Fair. Aujourd’hui, le concept fait une halte pour quatre jours à Bruxelles, le temps de se poser quelques questions.

Ready-made

Sur le site de Tour & Taxis, le visiteur découvre l’offre d’une soixantaine de galeries, dont 20 % sont belges. Fil rouge de tout cela, pas une £uvre au-dessus de 5000 euros. L’événement se veut « un reflet de la création contemporaine au travers d’une grande diversité: peinture, photographie, dessins, sculptures, gravures… » Le tout parfaitement mis en scène. Un restaurant, un wine-bar, des espaces pour les enfants, la priorité est accordée à la convivialité. L’AAF se veut également un tremplin pour les jeunes talents. Elle offre ainsi une tribune à 10 artistes qui n’ont jamais été exposés. Soit une opportunité pour de jeunes talents de prendre place au sein d’une foire à dimension internationale et d’être repérés par l’une des galeries présentes. L’accessibilité du concept est poussée ici à son comble: on peut repartir avec une £uvre sous le bras si on a eu un coup de c£ur. Il y a même un stand spécialement dédié à l’emballage des pièces.

De cette belle partition jouée à l’unisson s’échappent quelques fausses notes. Elles proviennent de commentaires extérieurs. Ainsi d’un galeriste qui préfère garder l’anonymat: « Croire que l’art est pour tout le monde, c’est une utopie. L’art n’est pas démocratique. Là où cela me pose problème, c’est de voir l’accessibilité utilisée comme un argument de vente. C’est du marketing, on fabrique un concept clé sur porte, joliment mis en scène, mais c’est surtout de l’effet d’annonce. Le visiteur peut repérer de belles choses mais elles seront à 5000 euros, ce qui n’est pas accessible. Bien sûr, les croûtes, elles, seront vendues à bas prix… Cela dit, chacun a le droit d’avoir une croûte chez lui. De plus, on n’y découvre qu’une certaine partie de l’art contemporain. Ce qui est trop conceptuel est écarté. Pour être repris, il faut correspondre à un certain format. Preuve que de la démocratie à la démagogie, il n’y a qu’un pas. »

N’empêche, si l’idée déplaît à certains, on ne peut nier qu’elle correspond à une attente du grand public. Il suffit de voir le nombre d’initiatives qui se développent en ce sens (cf. encadrés). L’amateur sans £illères a des chances de trouver chaussure à son pied, entre les photos d’un Patrick Messina de la galerie Wanted Paris et le street-art pionnier d’un Jef Aérosol de French Art Studio.

Affordable Art Fair, Tour & Taxis, 86c, avenue du Port, à 1000 Bruxelles. Du 12/02 au 15/02. www.affordableartfair.be

Michel Verlinden

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