Alerte octogénaire, l’Oscar reste le prix le plus convoité du monde du cinéma. Son histoire est indissociable de celle de Hollywood. Elle est émaillée d’anecdotes, d’injustice, de moments forts. Coulisses.

Si Oscar n’avait pas été le prénom de l’oncle d’une secrétaire de l’Academy of Motion Pictures Arts and Sciences, la récompense la plus presti- gieuse de la planète cinéma n’aurait pas reçu cette appellation. C’est du moins ce que prétend la légende. En apercevant la statuette créée par le sculpteur George Stanley, l’employée s’était, dit-on, exclamée qu’elle ressemblait beaucoup à son tonton. Toujours est-il que le bel objet de 25 centimètres au design art déco, composé de bronze recouvert d’or et distribué pour la première fois en 1928, n’a pas cessé de faire rêver toute l’industrie du film.

C’est à une bonne trentaine de personnalités de Hollywood, fondateurs en 1927 de l’Academy of Motion Pictures Arts and Sciences, que l’on doit la création de cette récompense dont le nom officiel reste Academy Award. L’Académie comprend aujourd’hui plus de 4 000 membres, représentant toutes les professions du cinéma, des réalisateurs, acteurs et producteurs aux techniciens et même aux attachés de presse. Les premières éditions virent un équilibre quelque peu suspect s’établir entre les principaux studios (Fox, Paramount, MGM, Warner Bros), mais ces petits arrangements passés, nul ne doute, et depuis longtemps, que la distribution des prix annuelle tenue à Los Angeles reflète réellement le goût global de ceux et celles qui font la cinématographie dominante à l’échelle mondiale.

Qui dit récompenses dit aussi injustice, et vous lirez dans nos encadrés à quel point parfois les Oscars ont boudé et boudent encore des films, des interprètes, dont le travail et le talent méritaient pourtant leur reconnaissance. Regrettables, ces erreurs, oublis et parfois même affronts volontaires font partie du jeu, dans ce qui demeure avant toute chose un spectacle bien huilé, autocélébration d’une industrie accordant logiquement ses suffrages aux productions à succès plutôt qu’aux £uvres à résonance publique trop discrète.

UNE HISTOIRE ANIMéE

La fin de la grève des scénaristes entérinée quelques jours à peine avant la 80e cérémonie est venue soulager l’inquiétude bien réelle des organisateurs. Il faut savoir en effet que (presque) tout ce qui est dit sur scène par les présentateurs et même certains vainqueurs est scénarisé, écrit (par des gagmen, notamment) jusqu’à la virgule près. Un contexte éminemment balisé, donnant à certains une grande envie de faire valoir leur singularité. Ainsi, des discours politiques tenus par une Vanessa Redgrave (pour les Palestiniens), un Tim Robbins et une Susan Sarandon (contre la politique de l’administration Bush), mettant à profit leur temps de parole pour faire valoir leurs idées. Ainsi surtout, des « coups » comme celui de Marlon Brando en 1973, qui envoya une jeune « native American » (Indienne), Sacheen Littlefeather, refuser à sa place l’Oscar qui lui avait été décerné pour son interprétation dans Le Parrain. Présenté comme une dénonciation du tort fait aux Indiens par leur représentation à l’écran, le geste suscita quelques applaudissements, mais aussi beaucoup de huées… Ainsi encore, l’ironie de Clint Eastwood, qui se demanda s’il devait présenter l’Oscar du meilleur film  » au nom de tous les cow-boys tués dans les films de John Ford« . Nettement moins idéologique, mais certes spectaculaire, la traversée de la scène par un certain Robert Opal, totalement nu, acheva de faire de cette édition 1973 un happening mémorable!

Vingt ans plus tard, Tom Hanks, recevant l’Oscar du meilleur acteur pour Philadelphia, révéla involontairement, devant des millions de téléspectateurs, l’homosexualité jusqu’alors cachée de son professeur d’art dramatique au collège. Une gaffe qui allait rapidement inspirer le film In & Out avec Kevin Kline. L’Oscar du premier gros incident revenant à George C. Scott, qui refusa en 1970 l’Oscar du meilleur acteur pour Patton tant il détestait dans la réalité le vrai général qu’il interprète génialement dans le film de Franklin J. Schaffner!

PREMIèRES

L’histoire des Oscars est aussi marquée par la tardive reconnaissance des talents afro-américains. Le premier Noir à être désigné meilleur acteur fut Sidney Poitier pour Le Lys des champs, en 1963. Et il fallut attendre 2002 pour voir deux comédiens « de couleur » triompher simultanément: Halle Berry pour A l’ombre de la haine et Denzel Washington pour Training Day. Moins importante, mais intéressante pour la nominée 2008 Marion Cotillard ( La Môme), une autre « nouveauté » vit Simone Signoret devenir, en 1960, la première actrice française à obtenir un Oscar (pour Les Chemins de la haute ville). Juliette Binoche lui succédant en 1998 pour Le Patient anglais.

Quatre-vingts ans après leur créa- tion, les Oscars, souvent imités – par les Césars entre autres -, continuent à donner la mesure d’une certaine idée du cinéma, celle du star system. Le baromètre des grands festivals (Cannes, Venise, Berlin) est sans aucun doute artistiquement plus juste. Mais il faut prendre la cérémonie hollywoodienne pour ce qu’elle est: un spectacle, souvent de qualité, mis en scène avec un soin extrême. Saviez-vous par exemple que pour qu’aucun vide n’apparaisse dans la salle, une brigade de figurants habillés en tenue de soirée hante en permanence la coulisse, prête à courir pour occuper la place de toute vedette se levant pour griller une cigarette ou satisfaire quelque besoin naturel?

TEXTE LOUIS DANVERS

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