Le mur de Pandore, par Véronique Klein

Les 12 meilleurs candidats du concours de nouvelles sur le thème du Mur organisé par Le Vif et Focus ont été conviés à un atelier animé par Simon Johannin, lors de la dernière Foire du livre.

Il y a les murs célèbres et puis, il y a les murs de tous les jours. Les visibles et les invisibles. Ceux faits de briques et de ciment et ceux que l’on érige. Il y a des murs à l’infini.

Et puis, il y a lui! Le petit mur de ma chambre ceint par ses frères. Oh, c’est un mur banal. Témoin des premières années de vie. Se parant au gré des âges de papiers peints, jolis ou pas. Jamais punaisé! Religieusement protégé d’un crucifix doré. Un mur à tendance romantique. Un mur qui n’a pas la parole mais qui protège et aide à surmonter ses peurs.

Des rires, des larmes, des cris rebondissent à sa surface. Des rêves le dépassent, le percent, le transpercent, s’échappent loin de lui tel un cheval en plein galop. S’il pouvait se pencher un peu, il entendrait le flot de mille pensées, une chanson fredonnée, les premiers émois de l’amour. Mais il reste droit sans faiblir. Jusqu’au jour où…

Une machine sans âme scelle son sort, le fait voler en éclats. Des briques qui se répandent sur le sol, la poussière qui jaillit, c’est un pan de vie qui dégringole et surtout c’est un secret enfoui qui, tout à coup, ne l’est plus. Mais que fait-on quand un corps déboule de derrière le mur? Ce mur qui a fini par le recracher. Souillé par une telle horreur. Lui qui semblait si innocent, si protecteur, si lisse, sans aspérité. Le voir détruit était déjà difficile. Il était le témoin d’une époque heureuse et révolue.

C’est pour ça que j’étais là. Pour finalement, lui dire adieu et me remémorer mille souvenirs. Je reste hébétée, incrédule devant une telle découverte. Mon coeur bat la chamade. Je suis sur le point de défaillir. Les sirènes hurlantes de la police me ramènent parmi les vivants.

En quelques minutes, le site est sécurisé, les ouvriers refoulés, les machines éteintes. Les ossements emportés pour être analysés. Une policière se présente à moi. Mon cerveau est dans le brouillard. Je ne retiens pas son nom.

La première question fuse: « Mademoiselle, pouvez-vous m’expliquer votre présence ici? » Les mots passent difficilement la barrière de mes lèvres mais je finis par répondre: « c’est la faute de ce mur! » même si cela peut paraître bizarre. Et, en effet, ma réponse suscite de l’incrédulité. « Que voulez-vous dire par là? » est la deuxième question que la policière balance. Mes esprits un peu retrouvés, j’arrive enfin à lui expliquer pourquoi je suis là. Juste par nostalgie de la maison de mon enfance. Juste pour un adieu avant démolition. Une bordée de questions s’ensuit. Où sont vos parents? Qui pensez-vous que cela puisse être? Avez-vous suspecté quelque chose jusqu’à maintenant? J’ai l’impression que chaque question est un coup de poing qui me laisse hagarde. Je réponds néanmoins. Mes parents sont morts. Je n’ai jamais rien suspecté et je n’ai aucune idée de l’identité du corps.

Mais où donc ce foutu mur va-t-il m’emmener… Au fil de l’enquête, mon cerveau turbine à toute allure telle une Agatha Christie des temps modernes. J’imagine une multitude de scénarios plus fous les uns que les autres. Un crime passionnel. Un lourd secret de famille enfui. Je m’imagine remontant tous les fils de l’histoire familiale pour trouver le coupable… Mais tout cela n’est que fantasme.

Et j’attends, avec de plus en plus d’impatience, les conclusions de la police. C’est fou comme le temps peut passer lentement dans ces cas-là.

Les conclusions tombent. Aux antipodes de mes délires de détective. Rien de criminel ne ressort des résultats de l’enquête. Il s’agissait d’un accident certes pas banal mais d’un accident. Une chute entre deux murs…

Mais oups, il est six heures! Je dois me lever et arrêter de rêver ou de cauchemarder… sur le secret du petit mur de ma chambre.

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