Emmanuelle Pierrot, nouvelle voix québécoise du livre

© Le Quartanier/Justine Latour
Anne-Lise Remacle Journaliste

ACTIVITÉ autrice | ÂGE 29 ans | PAYS Canada | ACTU Un premier roman choc, La version qui n’intéresse personne (éditions Le Quartanier), entre Virginie Despentes et Jack Kerouac.

Un premier roman porté par une langue frontale, qui vous agrippe au corps pendant 350 pages et vous questionne au tréfonds sur la notion d’amitié fusionnelle, de communauté et son revers brutal (l’ostracisation d’une femme imparfaite et jugée trop libre), on n’en avait jamais traversé de semblable. De quoi avoir envie de rencontrer l’autrice -qui préfère qu’on l’appelle Pierrot- dans un café d’Hochelaga (Montréal). Comme son héroïne (Sasha, avec sur ses traces une chienne-louve Luna), elle a pris la route au tout début de l’âge adulte et vécu de nombreuses années à Dawson City, mais marque la juste distance avec tout processus de totale identification: “Il y a des éléments inspirés de mon vécu mais j’ai aussi parlé avec des victimes d’exclusion sociale, des femmes qui ont subi un spectre très large de violences au Yukon”. Ce territoire jouxtant l’Alaska, à l’origine autochtone et pris d’assaut par les chercheurs d’or au XIXe siècle, est aujourd’hui peuplé de punks, de rêveurs désaxés, de saisonniers précaires plus ou moins fiables, de gens pour qui la société capitaliste grince: “En faisant mon cursus en création littéraire, je savais que je ne serais pas capable d’être fonctionnelle au Québec, d’être dans le moule. C’est par la suite, en plongeant dans les textes, que je me suis reconnue dans le mouvement beatnik”. Elle n’est cependant pas dupe quant aux contradictions des aventures à la Into the Wild vécues par des privilégiés ou aux biais latents de tout groupe porté par des idéaux: “Dans ce roman, je voulais reconnaître à quel point les punks peuvent être aussi pathétiques. On a beau prôner des valeurs nobles -l’antiracisme, le féminisme-, on est condamnés à échouer. Même Sashaest porteuse de misogynie intériorisée.” Celle qui est persuadée que la littérature doit s’aventurer dans les zones difficiles, cultive aussi un humour salvateur qui dégoupille le désespoir sans l’éradiquer. La primo-romancière avait à cœur que son texte reste accessible: “Je voulais publier un livre que mes amis auraient envie de découvrir, je n’ai pas écrit nécessairement à destination des gens littéraires. J’aimerais vraiment qu’il puisse être lu dans les classes.

Avec le soutien de la Délégation générale du Québec à Bruxelles

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