Une œuvre à la loupe: Teen Cunt, Huntington Beach, California, 2014

© courtesy gallery fifty one
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Le magazine Vice a surnommé Ed et Deanna Templeton “the godparents of zine culture”. Il est vrai que ce couple, à la fois abstème et végan, a photographié comme personne la scène lowbro californienne, ne passant sous silence aucune de ses occurrences à roulettes. Si l’on ne présente plus Ed Templeton, fondateur de la société Toy Machine, skateur lui-même et artiste contemporain dont le travail a été exposé au SMAK de Gand il y a quelques années, la figure plus discrète de sa femme, Deanna, est moins connue sous nos latitudes. Elle mérite pourtant qu’on s’y intéresse, elle qui livre un contrepoint subtile et intéressant à l’œuvre plus frontale, parfois décrite comme plus “cynique”, de son mari. On pense en particulier à ces émouvants portraits d’adolescentes qu’elle présente à la Gallery Fifty One Too d’Anvers. À l’instar de ce Teen Cunt, cette série d’images donne à voir des jeunes femmes aux prises avec le passage à l’âge adulte. Exposées avec des pages du carnet intime que l’intéressée tenait lorsqu’elle était jeune ainsi qu’en juxtapostion de tickets de concert de l’époque, les photographies soulignent les difficultés qu’il y a à quitter l’enfance et perdre son innocence -arborer un t-shirt se désignant au travers des organes sexuels (“cunt”, soit “chatte” en français) en dit long sur la perméabilité au regard patriarcal dominant. L’objectif de Deanna Templeton se tourne avec une infinie douceur vers ces corps en lutte avec les injonctions de la société. Templeton sait au plus profond d’elle-même -le long texte accolé au mur de la galerie qui raconte une adolescence passée à se haïr et à s’affamer en témoigne- combien les teenagers ne se pardonnent rien. Plutôt que d’en rire ou de jalouser stupidement leur énergie, la photographe met en scène l’universalité de leur condition. “Aimer la jeunesse des autres” constitue un acte de bienveillance dont nous devrions tous être capables.

What She Said, à la Gallery Fifty One Too, à Anvers. Jusqu’au 15/07.

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