Critique

[À la télé ce soir] Décolonisations

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Elle en indigne plus d’un, à juste titre, l’Histoire enseignée dans les écoles occidentales. Notamment en Belgique quand on évoque le sujet touchy du Congo. La formidable série documentaire de Karim Miské, Pierre Singaravélou et Marc Ball remonte et raconte à contre courant l’Histoire de la colonisation. Cent cinquante ans de combat contre la domination et l’exploitation. Leur passionnant récit en trois parties (L’Apprentissage, La Libération, Le monde est à nous) part du point de vue des victimes et commence en Inde avec Lakshmi Bai, mais s’intéresse rapidement au cas de la France, de la Belgique… À l’époque, tous se ruent sur l’Afrique et ses richesses. Les puissances d’Europe viennent de s’emparer d’un continent, de ses ressources mais aussi de ses habitants…

Décolonisations raconte les débats sur la supériorité imaginée de la race blanche, et cite l’Haïtien Joseph Anténor Firmin (De l’égalité des races humaines), qui veut utiliser la science pour démontrer la stupidité de pareilles théories. Mais aussi l’invention de la chambre à air, qui fait exploser la demande en caoutchouc au grand bonheur de Léopold II. Au Congo, les mitrailleuses réduisent les villageois en charpie. Esclavage, meurtres à grande échelle, terreur comme instrument des ressources humaines. Les mutilations sont monnaie courante et le Plat Pays tient le premier scandale humanitaire de l’Histoire contemporaine…

Comment démarre la lutte? Quelle est l’étincelle de la révolte? À quoi ressemble la liberté? Fouillé, intelligent, rythmé et richement documenté, Décolonisations fait le tour de la planète pour raconter chronologiquement des histoires, des destins, des combats. Ceux du tirailleur sénégalais Lamine Senghor, sa lutte contre l’impérialisme et l’oppression coloniale. Ceux d’Harry Thuku, féministe à l’origine de la première grève citadine kényane. Pendant deux heures et demie, des séquences d’archives, des extraits de films, des animations et des photos se bousculent pour tirer le portrait de la résistance. Qu’elle soit politique, sociale, culturelle ou sportive… La voix de l’acteur Reda Kateb (Un prophète, Hippocrate, Django, Le Chant du loup…) slalome entre l’Inde d’Indira Gandhi qui se dote de la bombe nucléaire, le Congo d’un Mobutu qui brade son pays, la bataille de Southall contre le « paki-bashing » à l’ouest de Londres ou encore l’avènement de Nollywood, le Hollywood nigérian… Également diffusé mardi en prime time sur Arte, Décolonisations est à montrer dans les écoles (avec I Am Not Your Negro de Raoul Peck) pour éveiller les consciences et réconcilier les peuples.

Série documentaire de Karim Miské, Marc Ball et Pierre Singaravélou. ****(*)

Samedi 4/01, 21h05, La Trois.

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