Critique

Anton Corbijn Inside Out

DOCUMENTAIRE | Photographe, vidéaste, réalisateur, Corbijn a aiguisé son regard sur le rock et accompagné son époque de remarquable manière. Un documentaire en témoigne.

ANTON CORBIJN INSIDE OUT, DOCUMENTAIRE DE KLAARTJE QUIRIJNS. 1H20. SORTIE: 09/05. ***

Le magazine musical où il fit ses premières armes -en 1977- s’appelait Oor. Mais c’est son oeil et pas son oreille qui allait révéler le talent d’un artiste n’ayant cessé de mettre son regard au service des autres créateurs. Emigré à Londres où la scène punk avait remis les compteurs à zéro, le photographe hollandais avait rendez-vous avec le destin quelques centaines de kilomètres plus au nord, à Manchester, où un jeune groupe sombre et inspiré annonçait la vague post-punk: Joy Division. Les admirables clichés du météore Ian Curtis et de ses trois complices, commandés par le New Musical Express, allaient tout à la fois fixer l’imaginaire du groupe et révéler leur auteur, faisant presque instantanément du Batave le photographe le plus recherché des musiciens rock. Son noir et blanc riche de contrastes et de grain fit merveille pour beaucoup d’entre eux, de U2 à Depeche Mode d’abord (avec aussi des clips vidéo marquants), de Nick Cave à Nirvana ensuite, sans oublier un certain David Bowie. Plus récemment, Corbijn aborda le cinéma, signant le formidable Control (sur Ian Curtis, encore) et enchaînant sur un thriller « noir » existentiel avec George Clooney, The American.

Contrôle

La documentariste néerlandaise Klaartje Quirijns connaît bien son Anton, vu leurs liens intimes. Elle a ainsi pu filmer au plus près un homme resté exemplairement discret, et qui avait toujours trouvé bien plus intéressantes que lui les personnalités cadrées par son viseur. Et Corbijn sort (littéralement) de l’ombre pour partager les souvenirs d’une enfance vécue dans un cadre protestant très strict, d’une jeunesse emportée (libérée?) dans le mouvement d’une révolution musicale. De ses origines, il a gardé la rigueur, et un calme qu’il promène aussi sur ses tournages et ses sessions photo, comme l’attestent les images prises sur le set de The American, et avec Bono et son groupe. Le longiligne et débonnaire Corbijn nous invite sur les lieux de ses expériences les plus mémorables. Il nous emmène aussi à la rencontre de nouveaux « sujets » comme la combinaison Lou Reed-Metallica. Et il nous livre surtout quelques confidences sur sa manière d’être autant que de créer. Sans se dévoiler trop, en toute humilité, comme pour rappeler que s’il a quitté sa place derrière l’objectif, ce n’est que momentanément. Car la trajectoire de cet observateur majuscule, témoin précieux des cultures de son temps, trouve avant toute chose son sens dans la transmission. Anton Corbijn est un « passeur » de tout premier ordre, dont le travail a posé quelques belles balises qui se verront encore longtemps, comme en témoigne le film attentif, généreux mais sans complaisance exagérée, que lui consacre Klaartje Quirijns.

Louis Danvers

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