À CHAQUE SÉRIE CORRESPOND SA CARTE D’IDENTITÉ INTRODUCTIVE. QU’ILS SOIENT MYTHIQUES OU ANECDOTIQUES, LES GÉNÉRIQUES COMPTENT TOUJOURS DANS UNE FICTION TÉLÉ. DÉCRYPTAGE.

« Dallas, ton univers impitoyableuuuuuuu, tam, tam, ta tam… » Bon, la reproduction phonétique vaut ce qu’elle vaut, mais vous avez saisi l’idée: les séries mythiques ont laissé en nous des souvenirs de génériques. Des madeleines de Magnum, McGyver, Hawaï Police d’Etat, L’agence tout risque, 21 Jump Street, Beverly Hills 90210, mais également d’Amicalement Vôtre, Le Prince de Bel Air, Perry Mason, Columbo et même, soyons fous, de Maggie, Thierry La Fronde ou Derrick: parions que les premières mesures du générique, voire ses premières images, vous baladeront immédiatement dans un petit étang de nostalgie. C’est qu’à force, le générique, sauf s’il est renouvelé de saison en saison, tient lieu de repère le plus sûr dans l’appréhension d’une fiction télé. « Cela constitue une forme d’ouverture, une sorte de refrain introductif, une manière de dire: « Bienvenue, installez-vous confortablement. » C’est le roulement de tambour avant le début du spectacle, le chorus de guitare avant que la chanson commence. Les génériques sont indispensables », écrivait le scénariste Rob Long, en préface à l’ouvrage Génériques-Les séries américaines décryptées d’Eric Vérat. Le « installez-vous confortablement » a probablement tendance à s’étioler un peu avec les nouvelles formes de consommation fictionnelle: visionner une rangée d’épisodes sur Internet ou sur DVD, c’est parfois aussi zapper ce petit film introductif, histoire d’aller au plus vite rejoindre l’intrigue. Se taper le générique d’une série six fois de suite sur une soirée, ce n’est évidemment pas la même chose que de l’accueillir comme un signal rassurant une fois par semaine, dans son fauteuil, la télécommande en main…

Pour autant, dans l’histoire des fictions télé contemporaines, certaines de ces « titles sequences » époustouflent par leur charisme, leur inventivité, leur impact. « Je placerais le générique des Sopranos dans mon top 5. Il est assez incroyable: David Chase, le créateur de la série, a pu y condenser en une minute plus de 80 heures de fiction. Tout y est. Et cette séquence est immuable: mis à part les deux tours jumelles que l’on a effacées de son rétroviseur après le 11 septembre, rien n’a changé. Chase ne pouvait pas savoir que sa série tiendrait sur autant de temps. Mais tout ce qui se passe dans les Sopranos est d’une manière ou d’une autre anticipé dans son générique. A la base, il voulait une chanson différente par générique, une requête refusée par HBO qui, si elle voulait bien quelque chose de différent à ce niveau, ne souhaitait quand même pas trop dérouter ses téléspectateurs », commente Eric Vérat, blogueur, journaliste et scénariste.

Rabotés par la pub

Autre exemple, celui de Desperate Housewives et de son petit bijou de générique… rallongé à la sauce ABC: « Quand la chaîne a vu cette plongée historique dans le monde de la peinture, qui faisait référence à la condition de la femme, ils ont pensé que leur public ne comprendrait pas. Ils ont donc imposé une petite pastille de cinq secondes dans laquelle on voit la tête des personnages. Au fil des saisons, c’est d’ailleurs cette seule pastille qui est restée: c’est le symbole de ces chaînes qui veulent tirer les génériques vers le bas », poursuit Eric Vérat qui, dans son enquête, a remonté la filiale de la création: « Le générique, c’est une carte d’identité. Ça ne doit pas se faire à la légère. C’est parfois ce que je reproche aux fictions françaises: on s’en occupe à la fin, on demande au monteur s’il n’a pas un copain graphiste et on expédie. Mais dans les grands génériques, chaque plan est pensé, repensé. Prenez la séquence d’ouverture de Game of Thrones: tout y est signifiant », poursuit Eric Vérat. L’exemple de Game of Thrones n’a rien d’anodin dans la mesure où, comme souvent, sur la chaîne payante HBO, on laisse le temps (en l’occurrence plus d’une minute 40 ici!) au générique de se déployer. Ce qui n’est plus d’actualité sur les grandes chaînes du network, où tout est bon pour raboter du temps de fiction, de plus en plus grignoté par la pub. « Les chaînes sont toujours réticentes à produire des génériques, pour des questions de temps et d’argent, malgré le fait que certains des plus grands succès actuels disposent de génériques de début plutôt longs et descriptifs, doublés d’une chanson immédiatement identifiable. Vouloir les supprimer relève d’une vision à court terme. Et il n’est pas prouvé que le jeune public, particulièrement dans la tranche convoitée des 18-45 ans, soit rebuté par un générique de 30 secondes », analysait encore Rob Long.

Construits comme de véritables produits d’appel, les génériques sont de plus en plus souvent l’apanage de sociétés spécialisées, Imaginery Forces ou Digital Kitchen en tête. Qu’ils saisissent essentiellement l’ambiance, le concept ou les personnages de la série, ils permettent de s’y intégrer directement: récemment, True Detective par exemple frappait d’emblée par son générique crépusculaire et soigné, préfiguration d’une fiction sérieuse et costaude. « Je connais de grandes séries qui n’avaient pas de génériques marquants, conclut Eric Vérat, mais je ne connais pas d’exemples inverses. » Et vous?

TEXTE Guy Verstraeten

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