Posy Simmonds: « Les moments dramatiques s’expriment bien en dessin »

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Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Posy Simmonds, l’autrice de Tamara Drewe, s’est vu décerner mercredi le Grand Prix au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. En 2012,nous l’avions rencontrée à l’occasion d’une rétrospective de son travail au Centre belge de la bande dessinée. L’occasion de revenir sur 40 ans de carrière,  des milliers de cartoons, d’illustrations et quelques « romans illustrés ».

L’autrice de « Gemma Bovery », âgée de 78 ans, est la première Britannique et la cinquième femme en 50 ans à recevoir le Grand Prix du festival d’Angoulême, le plus prestigieux évènement de la bande dessinée, créé à l’initiative des passionnés de la BD en 1974.

Une reconnaissance internationale pour cette septuagénaire qui derrière ses bonnes manières et ses dessins tout en distinction et en finesse, cache un esprit volontiers retors et un regard sans concession sur les « middle et high classes » britanniques. 

Alors que son art était peu connu en dehors de ses frontières, Le Vif l’avait rencontrée à Londres en 2012 alors que le Centre belge de la bande dessinée s’apprêtait à lui consacrer une rétrospective.

On juge votre art profondément anglais par l’omniprésence de trois thèmes dans vos romans graphiques: les allusions littéraires, les conflits de classes sociales et les désirs réprimés. Etes-vous d’accord avec ce résumé?

(Elle rit) Tout à fait, c’est très anglais et très présent dans mes romans. Les conflits de classes sont encore très prononcés en Angleterre. Notre système éducatif par exemple est très clivant, plus que partout ailleurs. J’aime surtout aborder la comédie humaine telle qu’elle existe ici, et parfois mettre le doigt dans la plaie.

Dans Tamara, par exemple, je montre à quel point les adolescents bourgeois ont une enfance terriblement ennuyeuse dans les petits villages anglais. Mais je n’invente rien: je les ai vus, ces ados qui restent des heures à un arrêt de bus sans rien faire! Ce désœuvrement des campagnes, c’est aussi typiquement anglais.

Mais ça n’explique pas pourquoi votre œuvre est largement méconnue en dehors de vos frontières, alors qu’elle connaît un énorme succès en Angleterre.

La culture anglaise est globalement plus littéraire que visuelle. Evoquez les arts anglais, et on vous parlera poésie, littérature, théâtre… Les cartoons ont, eux, toujours été très politiques, tournés vers l’actualité nationale. Et puis tous mes travaux sont liés aux journaux, au Guardian en particulier.

Effectivement, à part vos livres pour enfants, toutes vos œuvres démarrent dans les pages du Guardian, avec souvent d’énormes contraintes d’espace. Ce sont de telles contraintes qui vous ont amené à développer votre narration si particulière, ce mélange de textes et de dessins qu’on ne retrouve que chez vous?

Tout à fait. Roman graphique, roman illustré, BD… On peut chercher à la nommer, mais la plupart du temps, la forme s’impose à moi. Pour Gemma Bovery, le Guardian m’avait offert un espace vertical de trois colonnes, que j’ai pu investir comme bon me semblait. Le choix d’utiliser des images ou des textes est très réfléchi: les moments dramatiques s’expriment bien en dessin, mais le texte se prête mieux aux interactions entre les personnages. Et pour mettre en scène les voix intérieures, les sous-titres sont très efficaces. Ce n’est qu’après une longue série d’épisodes que j’ai découvert que des manières s’imposaient, qu’une grammaire se mettait en place.

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