Christoph Waltz est né au cinéma un jour de mai 2009 à Cannes, lorsqu’on le découvrit dans Inglourious Basterds, septième long métrage de Quentin Tarantino. Son interprétation du colonel nazi Hans Landa, modèle de cruauté raffinée et onctueuse, devait lui apporter la reconnaissance immédiate, consacrée par un prix d’interprétation, et un passeport pour Hollywood, sanctifié par un Oscar, celui-ci. Boudé jusqu’alors par la notoriété internationale, Waltz n’était pas un débutant pour autant: en 30 ans de carrière, ce natif de Vienne avait aligné pièces de théâtre, films, séries et téléfilms avec constance et obstination -on le vit notamment en ouverture de la Berlinale dans Lapislazuli-Im auge des Bären, de Wolfgang Mernberger, ou encore, aux côtés de Kevin Spacey et Linda Fiorentino dans Ordinary Decent Criminals, de Thaddeus O’Sullivan, deux titres d’une filmographie alignant une centaine de références. Rien de comparable, toutefois, avec l’onde de choc des Basterds.

Dompter la bête

« Ce film, et l’Oscar qui a suivi, ont profondément changé ma vie », énonce-t-il comme une évidence qui l’a conduit devant la caméra de Michel Gondry pour The Green Hornet,ou de Roman Polanski pour Carnage, en attendant Terry Gilliam et ensuite Mike Newell, pour qui il devrait camper Mikhaïl Gorbatchev, face à Michael Douglas en Ronald Reagan -on demande à voir. Désormais confronté à l’embarras du choix, Waltz explique s’en remettre à une combinaison de critères: « Avant tout, il y a la qualité de l’histoire. Et ensuite, les gens pour lesquels on va sacrifier une bonne partie de sa vie. Et enfin, on soupèse d’autres considérations, comme le personnage que l’on va interpréter, le lieu de tournage, la façon dont l’on pressent que celui-ci se déroulera… » Le métier d’acteur vu comme un sacrifice, vraiment? « Quand je me suis entendu prononcer ce mot, je n’en étais déjà plus aussi sûr, soupire-t-il. Mais il faut bien qu’il soit sorti de quelque part. En un sens, on peut parler de sacrifice, parce que quand on tourne un film, on coupe tout le reste, on met sa vie entre parenthèses, on laisse sa famille derrière soi. Un peu comme les chasseurs-cueilleurs d’antan décidant d’abandonner femmes et enfants dans la grotte pour partir à la chasse au mammouth armés d’une massue (…) (rires) Donc oui, il y a une part de sacrifice. Django était un long film, j’y ai travaillé activement pendant neuf mois. Je suis resté sur place une centaine de jours au moins sur les 130 qu’a durés le tournage. »

En l’occurrence, Waltz aura renoué avec un genre dont il était friand -l’âge d’or du western spaghetti, à la fin des années 60, correspond à l’époque où il commençait à s’intéresser au cinéma-, en plus de retrouver un réalisateur à qui l’unit manifestement un lien privilégié. A ce propos, l’acteur, qui campa un directeur de cirque dans Water for Elephants, de Francis Lawrence, recourt volontiers à la métaphore circassienne. « Un film est une bête vivante, et la préproduction consiste à dompter cette bête, et à apprendre à cet animal à se conduire en accord avec les nécessités. Si cela fonctionne si bien entre Quentin et moi, c’est parce que je pense bien comprendre la nature de sa bête. Je ne suis pas du genre à vouloir imposer mes idées sous prétexte que l’on m’a choisi pour un rôle. Le film est sa bête, c’est lui qui lui donne vie. Mon rôle consiste à apprendre à la monter, et il me facilite la tâche. » Et de conclure, au sujet d’un réalisateur dont il semble en passe de devenir l’acteur-fétiche, au même titre que Samuel Jackson avant lui: « Quentin Tarantino est quelqu’un de fabuleusement sensible. Il a des antennes partout, et il peut anticiper: il lui arrive de relever des éléments dont vous ne prenez conscience que quand vous commencez à lire sa réaction. C’est parfois un peu fou, parfois incroyablement organisé, et c’est parfois une sorte de chaos créatif, mais rien n’arrive jamais par accident. Il crée l’atmosphère requise pour obtenir de tout le monde ce dont il a besoin pour son film. En sus d’être un auteur de films, c’est un réalisateur de cinéma, au sens véritable du terme. »

J.F. PL.

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