Sacrées sorcières

Sans délaisser leurs tics, les soeurs Casady trouvent dans le clair-obscur de leur 7e album le prétexte à quelques-unes de leurs chansons les plus franches.

Cinq ans après leur dernier album, Heartache City, Bianca et Sierra Casady sont de retour. Et pour une fois, le temps semble avoir joué en leur faveur. Dans bien des cas, une absence prolongée accélère le déclassement. Dans celui de CocoRosie, c’est plutôt l’inverse: à pas mal d’égards, l’environnement musical de 2020 est sans doute plus hospitalier à leur pop bricolo-bancale.

Pour rappel, les soeurs américaines étaient apparues au début des années 2000, avec un premier album La Maison de mon rêve, enregistré dans la salle de bains d’une chambre de bonne, du côté de Montmartre. Dans la foulée, elles allaient vite se retrouver associées à la vague freak folk, poussée néo-hippie psychédélique qui a fait long feu. À vrai dire, quinze ans plus tard, l’étiquette n’a pas complètement disparu. Mais sans empêcher CocoRosie de s’inscrire dans l’air du temps, et cela sans forcer le moins du monde leur nature. À leur manière, elles ont ainsi précédé les extravagances pop féminines du moment, de Grimes à FKA Twigs. Sans parler de leur façon de jouer avec les questions de genre, d’évoquer l’écoféminisme ou d’invoquer, bien avant Mona Chollet, la figure féministe de la « sorcière »…  » Heureusement, il s’est passé pas mal de choses cette dernière décennie en termes de visibilité et de prise de conscience autour des artistes femmes« , explique ainsi la cadette Bianca.  » C’est agréable de faire partie de ça… »

La grande ménagerie

À première vue, Put the Shine On semble d’ailleurs accompagner la contestation Metoo:  » Run, run, little girl/Man is hunting in the woods« , insiste le morceau High Road, tandis que Mercy évoque la pédophilie. À en croire le duo, le bouleversement de ces dernières années a toutefois été avant tout personnel. Dans la grande ménagerie que constitue l’univers sonore de CocoRosie, ce sont des corbeaux qui croassent en ouverture d’un disque qui parle de « santé mentale, des ravages de l’alcoolisme ou encore de la mort » -celle de leur mère, à laquelle elles rendent hommage sur Ruby Red.

Sacrées sorcières

Cela ne fait pas de Put the Shine On un disque musicalement plombé. Au contraire, il recèle quelques-unes de leurs chansons les plus directes. Un morceau comme Restless a les contours d’une jolie comptine pop, tandis qu’un riff de guitare rock fait sursauter les bidouillages électro de Smash My Head. De son côté, Lamb & the Wolf permet aux soeurs de rapper sur une sorte de funk métallique. C’est aussi l’un des passages qui agacera le plus les détracteurs de CocoRosie. Car le binôme n’a pas vraiment changé ses habitudes. Ni ses tics, qui font que son sens de l’expérimentation peut vite passer pour de l’affectation vaguement arty.  » Life is too short to hide« , confie pourtant Christina Chalmers, à ses deux filles sur Ruby Red. Ce qu’elle finisse par faire, avec Aloha Friday, ultime morceau où CocoRosie abandonne toute pose, juste porté par le rythme claudiquant d’une ancienne machine à écrire, et des violons enveloppants.

CocoRosie

« Put the Shine On »

Distribué par Marathon Artists. Le 26/03, à l’Ancienne Belgique, Bruxelles.

7

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