Ni partir ni rester

Dans la fratrie de Sebastián (double romancé de l’auteur), son frère aîné occupe une place à part. Il est cet enfant adopté dans une Argentine exsangue juste avant que ses parents dissidents prennent la fuite au Brésil suite au coup d’État de 1976. Cette pièce intégrée à leur puzzle, dont les origines exactes demeurent une énigme, interroge le romancier. Qu’a bien pu vivre de douloureux la mère de ce bébé pour en arriver à l’abandonner? Désormais, cet être déraciné vit pratiquement cloîtré dans sa chambre, détaché des siens, perclus d’une solitude viscérale. Comme affamé de quelque chose qu’il ne parvient pas à énoncer. Le narrateur cherche à comprendre dans le passé des siens comment la situation a pu si dramatiquement s’effilocher jusqu’à ce point de rupture, cette présence désormais fantomatique qui ne prend plus part à leur vie quotidienne. Se pourrait-il qu’il trouve des réponses à Buenos Aires, au siège des Grands-mères de la place de Mai, cette ONG fondée par des femmes obstinément à la recherche de leurs chers enfants disparus, volés par la dictature militaire? D’une écriture fiévreuse, conscient de l’impossibilité de pleinement circonscrire en mots ce frère différent mais aussi l’exil et le passé résistant de ses parents, Julián Fuks signe un récit autobiographique qui s’accommode bien des ellipses, des apartés réflexifs et s’autorise des pans de miroir réfléchissant quelques doutes. Comme une façon de transcrire à quel point le maillage peut être dense mais aussi irrégulier quand l’intime se retrouve absorbé par l’Histoire en marche, quand la mémoire fantasmée comble les creux.

Ni partir ni rester

ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE De Julián Fuks, traduit du portugais (Brésil) par Marine Duval, éditions Grasset, 216 pages.

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