Il y a tout juste un an, Paul Lester était un des tout premiers à écrire sur Rhye. Dans sa chronique quasi quotidienne du Guardian, intitulée New band of the day, il s’emballait: « La fille -une femme, vraiment, qui a vécu, qui a été blessée- chante avec cette manière hésitante qui suggère qu’elle est épuisée après toutes ces disputes et ces luttes. » On le sait maintenant, la chanteuse de Rhye est en fait un chanteur, Mike Milosh. Le mystère dont se sera entouré le groupe aura fonctionné à merveille. Il aura même tenu quasi un an. Un exploit dans une époque où tout est su et dévoilé dans la minute. Le duo insiste pour dire qu’il n’y avait aucune tactique marketing là-dessous, juste la volonté de laisser la musique jouer son rôle, en limitant les interférences qui pourraient brouiller son message. On est prêt à les croire. Après tout, avec un peu de perspicacité, l’identité de Rhye était à portée de clic. N’empêche, tout cela ne fait en tout cas pas très Web 2.0. A certains égards, la transparence et l’intimacy branding ne semblent plus forcément avoir la cote.

Concert surprise

Le come-back de l’année est ainsi arrivé par surprise. Du jour au lendemain, sorti de nulle part, un nouveau David Bowie. Pas de teasing, ni fuite sur Internet. Alors que certains l’imaginaient même malade, la star fêtait son 66e anniversaire le 8 janvier dernier en lâchant un nouveau single, Where Are We Now?, et en annonçant la sortie imminente de l’album The Next Day. Qu’une icône rock du calibre de Bowie ait réussi à maintenir le secret pendant deux ans est tout sauf banal -pressé par les uns et les autres, le propriétaire du studio new-yorkais avait pris l’habitude de dire que le lieu accueillait la reformation des Smiths… Certes, le buzz a suivi, massif: dès l’annonce, les sites musicaux et d’information générale ont multiplié les papiers et les angles. Pourtant, ici aussi, la démarche passe moins pour un plan promotionnel que pour une réelle volonté de travailler dans l’ombre.

Autre exemple récent: en février, après 22 années (!) de disette discographique, My Bloody Valentine a lui aussi annoncé sur scène l’arrivée d’un nouvel album, alors que plus personne n’y croyait. Une nouvelle confirmée quelques jours plus tard sur la page Facebook du groupe. C’est aussi le paradoxe de la démarche: si le Web rend les secrets de plus en plus difficile à préserver, il redevient indispensable dès qu’on veut les dévoiler. Quand le rappeur Kanye West, par exemple, prend tout le monde par surprise en annonçant un concert à Forest National une semaine à peine avant la date, il va certes à rebours de la tendance actuelle -celle qui voit les groupes annoncer de plus en plus tôt leurs passages (jusqu’à un an à l’avance pour les artistes français par exemple). Mais il a aussi besoin de la Toile pour pouvoir accomplir son caprice: en termes de promo, de ventes de tickets -uniquement disponibles et payables par carte de crédit sur le Net…

L.H.

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