LONGTEMPS TABOU, LE THÈME DE LA SEXUALITÉ DES ADOLESCENTS EST DÉSORMAIS DÉCLINÉ DANS DE NOMBREUX FILMS. DONT LE TOUT NEUF BANG GANG.

Pour sûr, le premier film d’Eva Husson va faire parler de lui! Bang Gang (une histoire d’amour moderne) cadre assez frontalement le thème des expériences sexuelles adolescentes pour susciter la controverse, même si son approche est finalement plus moralisatrice que transgressive (lire la critique page 25). Qu’il est loin, le temps où les cinéastes -bien plus que les écrivains- marchaient sur des oeufs au moment d’évoquer de jeunes désirs comme ceux des Amitiés particulières (Jean Delannoy, 1964), adaptation du roman de Roger Peyrefitte narrant les amours de deux garçons de quatorze et douze ans dans un internat catholique… En 1978, un film comme Pretty Baby (Louis Malle) était bien isolé, honni de beaucoup aussi, dans son portrait pourtant subtil et sans complaisance d’une gamine de douze ans (jouée par Brooke Shields), fille de prostituée et dont la virginité est mise aux enchères dans une maison close de La Nouvelle-Orléans dans les années 10… Pourtant, ce film épousait le point de vue de sa jeune héroïne, chose remarquable à une époque où le regard de l’adulte penchant vers la chair fraîche était privilégié, même dans le sublime et sublimé Mort à Venise de Luchino Visconti (1971). Comme souvent, le genre de la comédie fut appelé à oser ce que d’autres n’osaient pas. American Pie (1999) fera par exemple du thème une évidence populaire, avec son quatuor d’ados faisant le pacte de perdre leur pucelage avant le passage du lycée à l’université. Trois « suites » -la dernière en 2012- et une série en « spin-off » de quatre épisodes (American Pie Presents) venant confirmer la vigueur de cet angle burlesque et plein d’autodérision.

Transgression

Bien sûr, les chemins du cinéma d’auteur livrèrent des films bien plus significatifs. A commencer par le tranchant 36 fillette (1988) de Catherine Breillat, où une jeune fille de quatorze ans joue au chat et à la souris avec un dragueur en âge d’être son père. Le choc décisif venant au milieu des années 90 avec le premier long métrage du photographe américain Larry Clark. Kids chronique de manière très crue le quotidien d’adolescents new-yorkais usant de drogues diverses et qui se livrent à des actes sexuels incluant le viol. Plongée hyperréaliste dans un univers ignoré des parents ou fantasme/projection d’un artiste un peu louche? La controverse fut chaude, et le Ken Park de 2002, situé en Californie et impliquant durement les parents dans la dérive de teenagers déboussolés, relancera la polémique autour d’un Larry Clark au talent par ailleurs largement reconnu par la critique. Le cinéaste aura, volontairement ou pas, posé deux balises auxquelles se mesurent, depuis, tous les films abordant la sexualité des ados: celle de la transgression des normes (de moins en moins contrôlées par le monde adulte) et celle du voyeurisme auquel certains -non sans arguments- virent tomber Clark… Gregg Araki (TheDoom Generation, Totally Fucked Up et ses jeunes gays confrontés au sida, Nowhere) étant sans nul doute le plus transgressif, avec Todd Solondz (Welcome to the Doll House, Palindromes et sa gamine de douze ans voulant tomber enceinte). On inscrira dans la même attitude de défi le tout récent The Diary of a Teenage Girl de Marielle Heller. Un film signé d’une réalisatrice, comme le sont aussi trois autres oeuvres marquantes: Thirteen de Catherine Hardwicke (2003) sur la sortie de rails d’une toute jeune fille sous influence, Naissance des pieuvres de Céline Sciamma (2007) sur l’éveil à la sexualité de trois amies de quinze ans, et Puppy Love (2013) de Delphine Lehericey sur l’initiation d’une ado de quatorze ans par une voisine un peu plus âgée. Le regard féminin semblant dans ces trois cas imperméable au voyeurisme, et empreint d’une force, d’une justesse, qu’un sujet aussi délicat exige mais ne trouve pas souvent…

TEXTE Louis Danvers

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