Jeux d’artifice

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Décidé à ne pas se laisser piéger -ni par le succès, ni dans un genre-, Arcade Fire multiplie les pistes (de danse). Même si certaines se révèlent être des impasses…

Arcade Fire

« Everything Now »

ROCK. Distribué par Sony.

7

Il est de ces moments qui vous bousculent une trajectoire. Quand Arcade Fire remporta en 2011 le Grammy du meilleur album de l’année, pour The Suburbs, le groupe a vite compris qu’il ne pourrait jamais plus fonctionner comme avant. Bien sûr, les Canadiens n’avaient pas attendu ce troisième album pour trouver un certain succès. Dès l’inaugural Funeral, en 2004, ils collectionnaient les couvertures des magazines spécialisés. Après le succès de The Suburbs, ils se retrouvaient cependant obligés de trancher: allaient-ils se racrapoter sur leur réputation indie ou accélérer au contraire leur mue pour assumer pleinement un rock calibré pour les stades? Au final, Arcade Fire ne fit ni l’un, ni l’autre. Il préféra botter en touche. En 2013, Reflektor permit au groupe de se renouveler, en passant notamment par la case dance, épaulé entre autres par James Murphy (LCD Soundsystem). L’air de rien, la formation retrouvait ainsi un sens de la célébration qui, petit à petit, avait eu tendance à se transformer en effets pompiers. La tactique s’est avérée payante. Le groupe mené par le couple Win Butler-Régine Chassagne assumait son nouveau statut, tout en ne se laissant pas enfermer dans cette position. Fort.

Des airs d’ABBA

Quatre ans plus tard, le nouvel album intitulé Everything Now procède un peu de la même logique. Comment profiter de son assise, aussi bien critique que populaire, pour continuer à (se) surprendre? Et cela sans se perdre non plus complètement. Le premier single a donné le ton. Produit en partie par Thomas Bangalter, moitié de Daft Punk, Everything Now a directement cartonné en radio (le premier numéro un américain du groupe). Sous ses faux airs d’ABBA, le morceau montre le chemin d’un disque qui n’a plus du tout honte de ses élans disco-dance (les cordes de Signs of Life, Good God Damn qui fait penser au Miss You des Stones, ou l’excellent Electric Blue qui rappelle Tom Tom Club). Dans la foulée, il pose également l’un des thèmes du disque, celui d’une société à la fois surinformée, hyperconnectée, et complètement désemparée. Le paradoxe étant que l’album proposé est lui-même surchargé d’informations, disque copieux auquel ont également participé Geoff Barrow (Portishead) et Steve Mackey (Pulp).

C’est peut-être d’ailleurs le principal défaut d’Everything Now, qui parfois trop embrasse. Pour une ballade touchante (We Don’t Deserve Love), Arcade Fire se prend aussi les pieds dans des tentatives plus balourdes (Chemistry sans intérêt, Signs of Life forçant le trait). Jamais au point de provoquer le naufrage, certes. Mais là où les incartades de Reflektor tenaient surtout du réflexe de survie, la démarche iconoclaste d’Everything Now semble devenue plus « systématique », moins innocente. Ludique, mais manquant de consistance. Soit. À notoriété égale, la plupart des groupes préfèrent assurer leur prise. De leur côté, les Canadiens d’Arcade Fire en profitent eux pour jouer et s’ouvrir de nouvelles pistes. C’est tout à leur honneur.

Laurent Hoebrechts

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