Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

PARTI DU JAZZ, JOSÉ JAMES ÉLARGIT TOUJOURS PLUS SON CHAMP DE TIR. QUITTE À DÉCONTENANCER, MAIS SANS CÉDER D’UN POUCE SUR SON DEGRÉ D’EXIGENCE.

José James

« While You Were Sleeping »

DISTRIBUÉ PAR BLUE NOTE.

7

De tout temps, le jazz fut moins un style, une musique bien précise, qu’une matrice. Un nom générique qui a englobé aussi bien les arabesques harmonieuses des big bands de Duke Ellington que les impros les plus cacophoniques du free jazz. Il y a un lien évidemment entre tous ces genres, mais tout se passe comme si le jazz n’avait eu de cesse d’agrandir son terrain de jeu. Quand José James (Minneapolis, 1978) est arrivé en 2008 avec son premier album –The Dreamer, sur le label anglais Brownswood de Gilles Peterson-, il faisait partie de cette nouvelle génération qui a découvert l’idiome jazz via le hip hop. Un sample de Thelonious Monk par-ci, un autre de Billy Cobham par-là, et c’est tout un monde qui s’ouvre. Au programme de The Dreamer, James pouvait inscrire aussi bien une reprise de Rashaad Roland Kirk qu’une autre du groupe rap Freestyle Fellowship, sans que cela gêne, que de contraire. Depuis, il n’a cessé de louvoyer entre les projets, deux pas en avant vers le jazz stricto sensu (les concerts tribute à Billie Holiday, l’album For All We Know avec Jeff Neve), trois pas sur le côté vers la soul-electronica (Blackmagic). L’an dernier, No Beginning No End marquait une nouvelle étape dans cette démarche, celle d’un crossover qui ne veut pas se limiter à crooner des vieux standards remis paresseusement au goût du jour. Le disque sortait sur Blue Note, légendaire étiquette jazz s’il en est. Dirigée depuis 2012 par Don Was (Not Was), elle trouvait là une nouvelle occasion d’appuyer son « re-branding ». Aujourd’hui sort While You Were Sleeping, et James y pousse le bouchon encore un peu plus loin…

Groove sensible

L’album s’ouvre avec Angel. Dès les premières secondes, la guitare de Brad Allen Williams crisse à la manière d’un Jimi Hendrix et son Band of Gypsys. Il est vite rejoint par James et le band qui avait déjà oeuvré sur No Beginning No End: Richard Spaven à la batterie, Solomon Dorsey à la basse et Kris Bowers au clavier (ses touches de Rhodes cristallines). Plus loin, Anywhere U Go est l’autre morceau à s’arquer sur un riff rock -son double, EveryLittleThing, le reprenant pour lui donner une tournure quasi électro.

While You Were Sleeping s’est donné pour mission de balayer le plus large possible dans le juke-box perso de José James, qui, dixit l’intéressé, mélange Radiohead et Frank Ocean, Madlib et James Blake. U R The 1 ou l’interlude Salaam rappellent encore le groove soul-jazz-hip hop des débuts. Mais partout ailleurs, James pousse les murs. Peu importe le terrain pratiqué, il garde pour lui une certaine musicalité, un groove moins sensuel que sensible, comme sur le duo Dragon (avec Becca Stevens) ou quand il reprend Simply Beautiful, classique absolu d’Al Green, auquel il se contente intelligemment d’ajouter un solo de trompette (le Japonais Takuya Kuroda).

On pourra évidemment sourciller devant une telle versatilité. D’un morceau à l’autre, José James change de registre. Un tic générationnel? Une manie de trentenaire connecté qui surfe sur les genres? Peut-être, mais sans tomber dans la superficialité ou la pose forcée. C’est même la principale qualité de While You Were Sleeping: réussir à zigzaguer entre ses envies tout en maintenant une certaine profondeur au propos.

EN CONCERT LE 19 JUILLET AU GENT JAZZ FESTIVAL.

LAURENT HOEBRECHTS

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