COMME UN AVION DONNE DES AILES À BRUNO PODALYDÈS, AUTEUR-ACTEUR-RÉALISATEUR AU SOMMET DE SON ART PLUS QUE JAMAIS CONJUGUÉ AU PLAISIR.

Au départ était le plaisir. Ce plaisir dont Voltaire écrivit qu’il est « l’objet, le devoir et le but de tous les êtres raisonnables« . Bruno Podalydès a voulu « aller vers des images de bonheur, réunir tout ce que j’avais envie de filmer. J’aime le kayak, alors hop, un kayak! J’aime les guinguettes, hop une guinguette! Mes ingrédients, je les ai rassemblés assez vite, sans savoir comment ça allait circuler après… » Ce sont ces éléments de désir ainsi réunis avant toute velléité d’écriture et encore moins de structure dramatique, qui tinrent lieu de moteur au projet Comme un avion. Les lieux du tournage, si cruciaux dans son cinéma, Podalydès les a cherchés dans la réalité après les avoir « idéalisés » dans son scénario. Il s’est gardé de choisir « une rivière trop jolie » (« Ça n’est pas Disneyland, et la vie n’est pas une crèche avec des santons!« ), et a fait construire sa propre gloriette. « La confrontation de mes idées avec la réalité est toujours un cadeau qui me donne d’autres idées! »

Contrairement à ses habitudes, qui sont « d’inscrire les lieux dans une géographie réelle« , le cinéaste ne leur a donné « que des noms qui n’existent pas« . En même temps, la « bulle » que constitue le film flotte sur des eaux qu’aurait pu filmer autrefois, dans son Déjeuner sur l’herbe (inspiré de Manet et que Podalydès place en tête de ses films préférés), le grand Jean Renoir. Un maître dont notre interlocuteur aime rappeler cette phrase: « Plus on est local, plus on est général. » Car Comme un avion est un de ces « petits » films qui, mine de rien, reflètent dans leur microcosme des questions existentielles majeures comme la libération (même fugace) des pressions du temps captif, asservi à la production, à la consommation. L’expression « film de résistance » fait sourire Bruno Podalydès, mais d’un sourire d’homme heureux de voir perçu ce qu’il a très malicieusement et très discrètement mis dans son film « sans jamais que cela soit formulé« . Et de révéler un secret de son approche, de sa pratique du cinéma: « J’essaie, quand je fabrique un film, de faire ce qui me touche tellement dans le jazz, quand on entend la note sans la jouer, en jouant autour. Ne pas dire les choses mais les faire ressentir. Au cinéma, c’est mort quand on dit les choses… »

Quand moins est plus…

Son nouveau film est la célébration tranquille d’un hédonisme bien compris. Il s’adresse à nous comme on s’adresse à des amis, plutôt que dans un rapport de maîtrise comme pouvait le faire un Hitchcock que Podalydès admire, mais auquel il préfère « un cinéma qui fait confiance au spectateur, à sa capacité de voir bien plus que la surface de l’image« . La préoccupation constante du réalisateur a été d’enlever tout ce qui pouvait souligner les choses, les rendre explicites, faire pléonasme avec ce qui est montré. « J’avais par exemple, pour toutes les radios que vous voyez dans le film, prévu d’y faire entendre des émissions dont j’aimais le texte et qui parlaient du film. Mais au moment du montage, j’y ai renoncé. Il faut trancher, dès qu’on s’aperçoit que quelque chose fait sens de manière trop évidente! »

Auteur, réalisateur et acteur de son film, Bruno Podalydès n’en aime pas moins « ces moments de confusion, où je ne sais plus ce que je pense, où se posent une contradiction, un conflit, même moral parfois. Cela m’émeut, me bouleverse même… » De la caméra, qui le surprend aussi parce qu’elle capte à son insu, il dit qu’elle « transcende« . « C’est pour cela que tant de gens qui ont des problèmes avec la vie vont beaucoup au cinéma. Le cinéma nous permet de voir ce qu’on ne voit pas et qui est pourtant là. C’est aussi simple que ça! Il nous réconcilie avec nous-mêmes, avec notre entourage, aussi, souvent… »

Michel, le héros de Comme un avion, « s’évade dans un autre temps, où la nostalgie n’a aucune place, et dont les plaisirs sont on ne peut plus actuels« . Podalydès sourit avec gourmandise en se disant que parce qu’il joue le personnage, « certains vont penser et même dire que je me montre plus, que je me dévoile plus intimement… alors que je le fais bien plus sans doute dans mon travail de réalisateur« . Et de méditer cette citation d’Henri Michaux: « Même si tu as eu la sottise de te montrer, sois tranquille, ils ne te voient pas! »

RENCONTRE Louis Danvers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content