INSAISISSABLE HUPPERT – L’INSATIABLE CURIOSITÉ ET L’ÉTERNELLE JEUNESSE DE LA GRANDE COMÉDIENNE PIMENTENT SES DEUX DERNIÈRES CRÉATIONS MARQUANTES, DANS DES REGISTRES Ô COMBIEN DIFFÉRENTS.

D’ ANNE FONTAINE. AVEC ISABELLE HUPPERT, BENOÎT POELVOORDE, ANDRÉ DUSSOLLIER. 1 H 43. DIST: IMAGES & VISIONS.(1) – D’ EVA IONESCO. AVEC ISABELLE HUPPERT, ANAMARIA VARTOLOMEI, DENIS LAVANT. 1 H 42. DIST: TWIN PICS.(2)

Claude chabrol, qui travailla souvent avec celle qui fut son interprète fétiche, disait d’isabelle huppert qu’un jour, en composant une rétrospective des films où elle avait joué, on se rendrait compte qu’il s’agissait d’une £uvre. le grand réalisateur disparu expliquait que l’actrice choisissait ses rôles avec une logique, une « ligne », comparable à celles qui motivent un cinéaste, un auteur. et que l’ensemble, une fois sa carrière achevée, ferait sens comme aucune filmographie de comédien. pour bien connaître huppert, chabrol savait ce qu’il disait. et invitée à commenter ses propos, isabelle se garde bien de démentir, avec un petit sourire mystérieux et une étincelle dans les yeux qui en disent long eux aussi. celle qu’on sait dans le contrôle, réfléchissant profondément aux choses avant de donner ce qu’elle a décidé de donner, ne laisse rien au hasard quand il s’agit de choisir les films où elle joue. on se souvient qu’elle écrivit jadis au cinéaste américain hal hartley pour lui proposer d’intégrer son univers, avec pour résultat le fascinant amateur, en 1993. plus récemment, huppert profita d’une rencontre pour s’ouvrir au philippin brillante mendoza de son désir de tourner avec lui. ce qui fut fait pour le littéralement prenant captive, présenté voici deux mois au festival de berlin.

Quelque chose de l’enfance

les deux sorties dvd de la semaine ne viennent aucunement démentir les présomptions chabroliennes, tout en montrant l’actrice au sommet de son art dans des registres absolument opposés… qui n’empêchent pas ses rôles de générer quelques échos subtils. rien ne semble en principe pouvoir relier le sombre, tragique et choquant my little princess au drôle, piquant et délirant mon pire cauchemar. dans le premier film, signé eva ionesco et transposant les propres souvenirs douloureux de la réalisatrice, huppert incarne une mère photographe prenant sa fille encore très jeune pour modèle de clichés baroques, morbides et très érotiques. des images qu’après un scandale, elle continuera à vendre clandestinement à des amateurs souvent plus pédophiles qu’esthètes… dans la comédie d’anne fontaine, elle joue la directrice d’une fondation d’art contemporain, une grande bourgeoise mariée et mère de famille, dont la rencontre avec le père d’un copain de son fils va bousculer la vie très ordonnée. l’homme (benoît poelvoorde) est en effet son contraire, socialement à la marge, gros buveur et aussi entreprenant sexuellement qu’elle-même est « coincée ». huppert fait rire chez fontaine, frémir chez ionesco, confirmant l’étendue de son registre, sa maîtrise de modes contradictoires, et sa faculté d’être là où on ne l’attend pas. les deux films ayant en commun de montrer l’actrice tantôt femme mûre, tantôt juvénile au point de sembler, dans un plan unique, passer de son âge réel à des airs d’adolescente. cette faculté de porter en elle tous ses âges, et de pouvoir les convoquer selon les besoins du rôle, est l’une des richesses créatives d’une artiste qui en possède beaucoup.

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