Ce que cela coûte

Le journaliste Frank Hughes se rend chez Eddie Brown afin d’écrire un article racontant comment un boxeur se prépare pour le titre de champion du monde des poids moyens. Entraînements, repas, conversations: Frank va coller aux basques du challenger, soupeser ce qu’il vit et ressent. Il y a la place déterminante de l’entourage, aux petits soins pour ce fils de plâtrier d’origine allemande, au premier rang duquel trône et bougonne Le Doc, un génie d’entraîneur. « Eddie Brown était le boxeur que Doc Carroll aurait voulu être. À cette union, l’un avait apporté sa jeunesse et ses forces, et l’autre, ses années d’expériences et son génie (…). » Dans un New York révolu (en VO, le livre est paru en 1958), on est avec eux, sur leur territoire, dans le vestiaire, à la colle sur le ruban des jours lourds de concentration. Il y a le noble art et la manière. Chroniqueur, correspondant de guerre et journaliste sportif, Wilfred Charles Heinz (1915-2008) carbure à l’authentique. Comme un boxeur travaille son allonge, avec un sens de la tchatche, du vivant qui circule, Heinz signe un bouquin qui est aussi un plaidoyer pour le grand reportage. Du reste, l’auteur éduque son sparring-partner, travaillant son lecteur à coups de dialogues comme autant de jabs. Le récit érige son héraut en porte-drapeau. « Ce n’est qu’un boxeur, mais il se bat contre toute la camelote qu’on nous vend à la télé, dans les librairies, dans nos journaux et nos magazines, et partout ailleurs. Vous êtes conscients de ça, n’est-ce pas? » À la fin du livre, d’aucuns, sonnés pour le compte, auront le regard qui se trouble. « Reprise », dit quelqu’un.

De W.C. Heinz, ÉDITIONS Monsieur Toussaint Louverture, traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson, 352 pages.

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