Black Manoo

En deux romans à peine, Debout- payé et Camarade Papa, Gauz s’est fait un nom sur la scène littéraire francophone. Portrait drôle et lucide de la mondialisation à travers les yeux d’un vigile noir d’un côté, fresque historique sur la colonisation et la Commune vues à hauteur d’enfants, un Noir et un Blanc, de l’autre. Un talent de conteur et d’observateur des mutations sociales qui fait encore merveille dans Black Manoo, cette fois sur les pas d’un toxico ivoirien en délicatesse avec le régime débarquant à Paris dans les années 90 sapé comme un marabout de foire, faux papiers en poche. Direction Belleville, où ce superstitieux espère retrouver la trace d’un chanteur compatriote, Gun Morgan, qui a eu son heure de gloire. En attendant, Black Manoo erre de squat en squat, philosophe sur la cuisine d’un foyer Sonacotra et croise la route d’autres déracinés, experts en combines. Comme Lass Kader, ex-dealer, et Karol, femme libre avec laquelle il va ouvrir un bar clandestin, théâtre de soirées chaloupées. La verve électrique et fleurie de l’auteur restitue ce coin cosmopolite de Paris dans toute sa dimension sensorielle, le moindre nom de station de métro étant prétexte à réenchanter la grisaille. Loin du Rastignac conquérant, Black Manoo n’aspire qu’à une chose: se fondre dans le paysage. Un périple émaillé de rencontres miraculeuses comme ce vieil Auvergnat, sorte d’immigré avant l’heure. Car sous le récit picaresque tapissé de punchlines hilarantes perce une attention aiguë aux réalités sociales complexes de ce quartier-monde.Irrésistible.

De Gauz, éditions Le Nouvel Attila, 154 pages.

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