FASCINANT, LISTEN TO ME MARLON RACONTE BRANDO À LA PREMIÈRE PERSONNE, AU DÉPART D’ENREGISTREMENTS ACCUMULÉS PAR LE COMÉDIEN. AUTRE ICÔNE, BRUCE LEE FAIT L’OBJET D’UN HOMMAGE CLASSIQUE DANS I AM BRUCE LEE.

D’emblée, la voix est là, reconnaissable entre toutes, dont le flux hypnotique installe le spectateur dans un espace à la fois troublant et familier. Cette voix, c’est celle de Marlon Brando, l’acteur qui, de On the Waterfront à The Godfather, en passant par Mutiny on the Bounty ou Le Dernier Tango à Paris, a réinventé son art avant de le porter à quintessence, s’érigeant ainsi mieux qu’en monstre sacré, en mythe absolu. Pour révéler celui-ci de l’intérieur, Stevan Riley a eu accès à un matériau inestimable: les centaines d’heures d’enregistrements accumulées par le comédien pendant son existence, archives sonores privées embrassant aussi bien sa carrière que sa vie loin des spotlights dont il se défiait. De quoi mieux cerner la personnalité complexe de l’homme et sa quête de sens, au coeur de Listen to Me Marlon, documentaire adoptant la forme d’un fascinant monologue intérieur. Et décliné en une succession de réflexions assorties d’extraits de films, d’archives, d’interviews et de photographies inédites, quand la caméra ne furette pas dans l’immense demeure de Mulholland Drive, cadre reconstitué d’une intimité malmenée par des drames à répétition –« Misery has come to my house », commentera un Brando dévasté après que son fils Christian eut abattu l’amant de sa soeur, l’une des tragédies qui assombriront son existence.

Rapport ambivalent

Non, pour autant, qu’il y ait dans ce film évoluant entre domaines public et privé la moindre tentation voyeuriste. Si Brando se révèle comme rarement sur ces cassettes -séances d’autohypnose et autres-, laissant transparaître sa vulnérabilité, l’acteur se montre toujours pudique, même lorsqu’il évoque les blessures de l’enfance, à Omaha, dont l’écho ne cessera de se répercuter sur son parcours. « Acting is surviving », dit-il, et si Stella Adler lui enseigne les vertus de la Méthode et de l’authenticité, matière dont il embrase les planches et bientôt les écrans, le désenchantement guette, et le documentaire de Stevan Riley raconte aussi l’histoire de cet incessant tiraillement. C’est Brando qui assure: « Les acteurs jouent un rôle essentiel dans notre quotidien, en offrant quelque chose qui ne s’achète pas. En insufflant une énergie, de la beauté et de l’éclat. Au-delà de leur rôle. Et on a besoin de ça. » Mais qui, au plus fort de son désabusement, et tandis qu’il aligne les films dispensables, observe sur un ton égal: « Je collais mon pense-bête sur le front des acteurs. Ça me faisait gagner du temps. J’avais bien mieux à faire que d’apprendre mon texte » -une anecdote parmi d’autres, illustrant son rapport ambivalent à son art.

Au-delà, le film dresse le portrait à la première personne d’un homme tentant de faire la paix avec lui-même. Le murmure de Marlon Brando semble parfois se confondre avec celui du colonel Kurtz dans Apocalypse Now tandis qu’il brasse le tumulte de son existence, ce « Brando in his own words » se révélant un must, assorti pour le coup d’un making of passionnant.

L’Elvis des arts martiaux

Réalisé pour la télévision, I am Bruce Lee, de Pete McCormack adopte une forme plus classique, mettant à contribution proches et admirateurs de la star de Enter the Dragon (« l’Elvis des arts martiaux », suggère Mickey Rourke), pour en tirer, extraits et archives à l’appui, le portrait en forme d’hommage assumé. Et de retracer dans le détail une trajectoire aussi fulgurante -il devait disparaître à Hong-Kong à l’âge de 32 ans à peine- qu’exceptionnelle, ayant fait de Bruce Lee mieux qu’une star, une légende du cinéma d’action et une icône culturelle. De la série The Green Hornet à The Way of the Dragon, où il corrigeait Chuck Norris, les extraits proposés ne laissent pas d’impressionner, où sa grâce aérienne n’a d’égales que sa force de frappe et sa vitesse d’exécution, au point qu’« en le voyant bouger, on croyait que l’image était accélérée ». Tout est dit…

LISTEN TO ME MARLON. DE STEVAN RILEY. 1 H 42. DIST: UNIVERSAL.

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I AM BRUCE LEE. DE PETE MCCORMACK. 1 H 34. DIST: ELEPHANT.

6

TEXTE Jean-François Pluijgers

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