L’UN DES DUOS LES PLUS PROMETTEURS DE L’ÉLECTRO MADE IN BELGIUM VIENT DE SORTIR SON PREMIER ALBUM, AVANT DE PASSER PAR LE BSF ET LE PUKKELPOP. FAITES DE LA PLACE POUR MUMBAI SCIENCE ET LEUR PETIT AIR DE DÉJÀ VU

« A 15 ans, je me rappelle qu’on voulait conquérir le monde. C’était un minimum. » Attablés à une terrasse bruxelloise, en face de l’Ancienne Belgique, Jonas Kiesekom (le brun) et son camarade Maarten Elen (le blond), aujourd’hui tous les deux 27 ans, s’esclaffent. Le conquérir, leur duo Mumbai Science ne l’a peut-être pas encore fait; par contre, il l’a déjà bien parcouru. En quelques années, il y a eu l’Australie, les Etats-Unis, Tokyo, l’intégralité de l’Europe balayée dans tous les sens… « Je me rappelle qu’en classe, on s’était même dessinés en train de donner un concert au Pukkelpop ». Entre-temps, les deux y ont déjà mis les pieds par deux fois. Ainsi va la vie de producteurs/DJ. Le créneau a beau paraître saturé -too many DJ’s, disaient les frères Dewaele-, le monde reste assoiffé de beats et de musiques électroniques. 24 hour party people…

Signé depuis 2010 sur le label gantois de Dr Lektroluv, le grand géant vert de l’électro made in Belgium, le duo sort aujourd’hui son premier album. Une étape importante, même si le public s’abreuve avant tout de singles. « C’est vrai. Mais on a déjà publié une bonne dizaine d’EP. On n’allait pas continuer à en sortir tous les quatre mois, ce n’était plus trop motivant. L’album, par contre, reste un défi très excitant. Puis cela vous donne l’occasion de bosser un peu plus sur la longueur, vous avez plus de temps pour travailler les morceaux ou chercher les bons guests… Pour la première fois, on a aussi pu se pencher sur un clip. » Le début de la vidéo de Déjà Vu en rappelle vaguement un autre: dans un magasin, un homme-végétal à la Arcimboldo retrouve une ancienne copine qui ne le reconnaît pas. La vidéo part ensuite dans une autre direction, mais on ne peut s’empêcher d’y voir un clin d’oeil à l’homme à tête de chien de Da Funk, l’un des premiers clips de Daft Punk. L’hypothèse n’est pas confirmée par le duo. Leur intérêt pour Daft Punk par contre, si. Maarten: « Homework doit être l’un des premiers disques de musique électronique qu’on a achetés. Avec ceux des Chemical Brothers. » On est à la fin des années 90, et le rock, plombé par le grunge, retrouve une nouvelle jeunesse dans la techno et la house. « En secondaire, en gros, il y avait deux sous-cultures: ceux qui écoutaient le punk-rock et ceux qui écoutaient de l’électronique. Sauf qu’en soirée, il y avait souvent les deux. On n’a jamais été obligés de choisir. » A 15 ans, quand leur groupe de rock splitte, ils décident donc de se lancer et commencent à acheter du matériel pour produire leur propre « came » électro…

Dystopia

Les rôles sont plus ou moins distribués. Jonas: « Maarten est le perfectionniste, l’homme-bouton qui peut passer des heures sur un son. Je suis plutôt celui qui improvise, qui amène les idées que Maarten concrétise. » A Louvain, ils étudient la communication, avant de se voir proposer tous les deux un doctorat à Gand, en psychologie de la consommation. « La discipline est née dans les années 70, 80, en réaction au marketing qui réalisait ses propres études pour pousser les consommateurs à toujours acheter davantage. L’idée était d’utiliser les connaissances scientifiques pour démasquer toutes ces méthodes. J’ai travaillé par exemple sur la diversité d’un assortiment -dans un rayon, on peut trouver des dizaines de sortes de dentifrices différents-, et comment elle pouvait influencer l’achat ou pas. » Maarten s’est lui penché sur la « force de caractère » des consommateurs, leur capacité à résister à un achat qui n’a pas toujours grand-chose de rationnel. « Quelles tactiques mettre au point? Une chose est certaine: ce n’est pas parce que vous avez conscience que votre décision n’est pas raisonnable que cela va vous aider (rires). » Un truc quand même? « L’un des meilleurs que m’a donnés Maarten, explique Jonas, est de boire une canette de Coca avant d’aller faire les magasins. Le glucose augmente votre résistance. Les sportifs le savent bien. Le shopping, c’est comme un sport de compétition (rires). »

Un an avant de terminer leur doctorat, le binôme a quand même dû trancher. « On avait une proposition pour une tournée en Australie, mais plus aucun jour de congés à faire valoir. » Ils quitteront l’unif… Même si le côté scientifique est toujours plus ou moins là, dans le nom du groupe ou certains réflexes -« on se rend compte que même en soirée, on analyse encore trop ce qui se passe, au lieu de vivre le moment« , se marre Jonas. Par ailleurs, il n’est pas interdit non plus de gratter quelques questionnements plus inquiets derrière l’hédonisme apparent de la démarche. « Non, en effet, même si ce n’est jamais frontal. Si vous voulez y voir une vague critique sociale, une sorte de dystopie futuriste, il y a moyen. C’est sûr que si l’on continue à prendre certaines décisions, on ira dans le mur. Mais on n’arrivera pas jusque-là. A moins que tout le monde continue à se prendre en selfie. Alors ce sera le début de la fin (rires). » Ironique mais jouette, jamais plombé ni dark, Déjà Vu n’en est pas là. « Non, on est confiants. C’est de toute façon ce qu’il y a de mieux à faire: il est démontré que les optimistes vivent plus longtemps. Scientifiquement prouvé! (rires). »

RENCONTRE Laurent Hoebrechts

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content