REVOIR RENOIR – DEUX CHEFS-D’OUVRE DE JEAN RENOIR BÉNÉFICIENT D’UNE ÉDITION BLU-RAY DE RÉFÉRENCE, LA RESTAURATION ÉTANT COMPLÉTÉE DE NOMBREUX SUPPLÉMENTS PASSIONNANTS. UN MUST.

1 DE JEAN RENOIR. AVEC NORA SWINBURNE, THOMAS E. BREEN, RADHA. 1950. 1 H 39. ED. CARLOTTA. DIST: TWIN PICS.

2 DE JEAN RENOIR. AVEC JEAN GABIN, PIERRE FRESNAY, ERICH VON STROHEIM. 1937. 1 H 53. ED. STUDIO CANAL. DIST: UNIVERSAL.

Dans un complément à The River, Martin Scorsese raconte combien la vision du film de Jean Renoir, à l’âge de neuf ans dans un cinéma new-yorkais, constitua pour lui  » une expérience déterminante« . Et, de fait: on a beau l’avoir vu et revu, impossible de ne pas être subjugué à la redécouverte de ce chef-d’£uvre éblouissant, dont cette édition Blu-ray restitue l’éclat du Technicolor à merveille. Renoir ne faisait pas, en la circonstance, que s’initier à la couleur; en délicatesse hollywoodienne, il partait à la rencontre de l’Inde, pour y adapter le roman éponyme de Rumer Godden, par ailleurs auteure du Narcisse noir.

Se déroulant au Bengale, sur les bords du Gange, The River raconte la découverte de l’amour par trois jeunes filles, Harriet, la narratrice, adolescente anglaise romantique, son amie Valérie et leur voisine métisse, Melanie, qui vont être envoûtées par l’arrivée d’un capitaine, venu essayer de cicatriser les blessures d’une guerre l’ayant laissé infirme. C’est un fascinant éveil que nous donne à partager Renoir, captant les émotions et les tourments de ses protagonistes dans un mouvement d’une délicate fluidité, le film semblant s’écouler au rythme même de la rivière, pour ajouter à sa souveraine beauté un sentiment d’éternité. Vibrant de la culture hindoue et imprégné de spiritualité, Le fleuve reste source d’un inépuisable ravissement. Autour du fleuve, un passionnant document d’Arnaud Mandagaran en remonte par ailleurs le cours, du jour où Renoir s’associa à Kenneth McEldowney, fleuriste (il avait ouvert le premier drive in floral!) devenu producteur d’un film, aux différentes étapes d’une production mouvementée.

Bénéficiant également d’une restauration exemplaire, La grande illusion regorge de suppléments non moins passionnants, allant de la présentation du film par le réalisateur lui-même lors de sa ressortie en 1958 à l’analyse de son accueil par l’historien du cinéma Olivier Curchod, en passant par les souvenirs de tournage de Françoise Giroud, qui en fut la scripte; à quoi l’on a même ajouté La petite marchande d’allumettes, adaptation d’Andersen qu’avait réalisée Jean Renoir en 1928! Tourné près de dix ans plus tard, La grande illusion est, pour sa part, l’un des sommets d’un auteur qui traversait là une période particulièrement faste.

Inspiré des propres souvenirs de Renoir, le film se déroule pendant la Première Guerre mondiale, dans une forteresse allemande où sont détenus des soldats français de toutes conditions. Des liens d’amitié et d’estime se nouent par-delà les nationalités, n’empêchant pas les prisonniers de nourrir des projets d’évasion. Porté par une distribution étincelante, La grande illusion est un hymne admirable au pacifisme et à la fraternité, qui prend tout son sens dans le contexte de son époque: dénonçant l’absurdité du conflit, Renoir a bien sûr à l’esprit celui qui ravagera l’Europe quelques années plus tard, le titre du film pouvant renvoyer à l’illusion que la Grande guerre serait aussi la dernière. On sait ce qu’il en advint; modèle d’humanisme, La grande illusion demeure, pour sa part, un chef-d’£uvre impérissable. l

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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