Critique

[critique ciné] Candyman: suite-reboot aux accents politiques

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Candyman, le classique horrifique du début des années 90, s’offre une suite-reboot aux accents politiques, placée sous le signe de la gentrification.

En 1992, le réalisateur britannique Bernard Rose adapte une nouvelle de Clive Barker et signe avec Candyman un petit classique instantané de l’horreur au cinéma. Nourri de légendes urbaines, le film suit une étudiante universitaire (la blonde et blanche Virginia Madsen) occupée à rédiger une thèse sur les croyances populaires, sujet d’étude qui l’amène à s’intéresser à une cité-ghetto de Chicago: Cabrini-Green. C’est en s’aventurant dans ce quartier paupérisé à large dominance afro-américaine qu’elle découvre la légende de Candyman, croquemitaine à la main-crochet qui apparaîtrait pour tuer lorsqu’on prononce cinq fois son nom face à un miroir. Mais cette figure mythique enracinée dans l’inconscient collectif d’une communauté black livrée à la misère et à la violence est aussi et surtout le symbole du Noir persécuté, allégorie héritée en droite ligne de l’infamante période esclavagiste. Soit du véritable pain bénit pour l’incontournable Jordan Peele (Get Out, Us), homme d’images s’étant fait une spécialité de passer les stéréotypes de race à la moulinette horrifique, qui scénarise et produit aujourd’hui un Candyman se présentant moins comme un remake que comme une suite vaguement reboot de l’original.

[critique ciné] Candyman: suite-reboot aux accents politiques

De l’autre côté du miroir

Derrière la caméra, Nia DaCosta, réalisatrice du prochain Captain Marvel, The Marvels, avec Brie Larson, inscrit en effet ce nouveau film dans la continuation directe du Candyman de 1992 -on conseille d’ailleurs fortement de revoir au préalable cette oeuvre fondatrice, qui était au fond davantage un drame aux accents paranoïaques qu’un slasher pur. Situant son action dix ans après la destruction de la dernière tour de Cabrini-Green, cette suite tardive (il y en a déjà eu deux autres, en 1995 et 1999) se cristallise autour d’un peintre branché (Yahya Abdul-Mateen II, vu en Dr. Manhattan dans la série Watchmen) dont la carrière menace de piétiner. Rencontrant par hasard un ancien habitant de la cité d’avant sa rénovation, il découvre les détails de la macabre histoire entourant la légende du Candyman et décide de s’en servir comme source d’inspiration pour sa nouvelle série de tableaux, ouvrant ainsi la porte, ou plutôt le miroir, sur un passé trouble qui ne demandait qu’à être ravivé…

Abeilles, main-crochet, bonbons fourrés à la lame de rasoir… Aucun doute possible, on est bien dans le nouveau Candyman, que la paire Peele- DaCosta a l’intelligence de placer cette fois sous le signe de la gentrification, mais aussi de Black Lives Matter et des violences policières. Symbole vengeur de l’oppression dont a trop longtemps été victime la communauté afro-américaine, le célèbre croquemitaine n’a peut-être jamais été aussi pertinent et légitime qu’aujourd’hui. À travers lui, ce nouveau film d’horreur politique, engagé même, résonne de toutes les injustices et autres discriminations dont est pavée l’Histoire américaine, et au-delà. Assez sobre dans ses effets, l’ensemble, torturé, angoissé, est truffé de jeux malins sur les miroirs et la profondeur de champ, s’attachant à une vraie bizarrerie, une étrangeté adepte du non-dit et de la suggestion qui amène le cinéma de Nia DaCosta sur le terrain de l’angoisse sensorielle et de la subjectivité tourmentée.

Horreur. De Nia DaCosta. Avec Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarrett. 1 h 31. Sortie: 25/08. ***(*)

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