Critique | Cinéma

Priscilla: un biopic intime signé Sofia Coppola

3 / 5
© Sabrina Lantos
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Titre - Priscilla

Genre - Biopic

Réalisateur-trice - Sofia Coppola

Casting - Avec Cailee Spaeny, Jacob Elordi, Ari Cohen

Sortie - En salles le 3 janvier 2024

Durée - 1 h 53

Dans l’atmosphérique Priscilla, Sophia Coppola donne à ressentir comment une jeune fille est devenue femme dans l’ombre du king.

“Maybe I didn’t treat you quite as good as I should have. Maybe I didn’t love you quite as often as I could have”, croonait le King dans sa ballade Always on My Mind. C’est ce qui ressort aussi du biopic de Sofia Coppola. Et ce n’est pas Elvis Presley qui est ici sous les projecteurs, mais son épouse, Priscilla Beaulieu, qui a rencontré le rocker le plus célèbre du monde à la fin des années 50, à 14 ans, et qui en a divorcé à 29, alors que leur mariage de conte de fées s’était transformé en contrat, avec la propriété de Graceland en guise de prison dorée.

Priscilla -d’après ses mémoires Elvis and Me (1985)- n’est donc en aucun cas une hagiographie qui enfilerait les blue suede shoes d’Elvis en secouant le pelvis. Et ce n’était pas cela qu’on attendait de la part de Sofia Coppola. Comme The Virgin Suicides (1999), Marie Antoinette (2007) et tous les films que la réalisatrice a marqués de sa douceur, de sa féminité et de sa précision, Priscilla brosse lui aussi le portrait d’une jeune fille privilégiée qui passe à l’âge adulte en étant coupée du monde extérieur, avec toutes les frictions que cela implique.

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Sauf que le female gaze de Coppola sur cette tranche d’Amérique n’est ni voyeur ni provocateur, malgré la différence d’âge problématique au sein du couple. Elle nous offre un regard tendre, tactile et surtout atmosphérique sur une relation rendue toxique par un cocktail de célébrité, d’argent et de personnalités qui se clashent. Comment la toute jeune Priscilla (lumineuse Cailee Spaeny) rencontre Elvis (Jacob Elordi) sur une base militaire en Allemagne, alors que lui est une idole et elle, une discrète anonyme. Comment lui se présente d’abord comme un dieu du rock diablement séduisant et sensible, et se mue progressivement en narcissique hyper dépensier, infidèle, accro à l’alcool et aux drogues. De sa patte caractéristique, Sofia Coppola passe d’une scène à l’autre dans de doux tons pastel et sur fond de musique pop appropriée -la succession Presley a refusé de coopérer et Elvis lui-même n’apparaît donc pas ou très peu dans la bande-son. Avec un accent presque fétichiste sur le bel emballage -un beau travail de caméra de Philippe Le Sourd et des décors qui vous replongent tout droit dans les années 50 et 60-, Priscilla est un film qui embrasse consciemment sa vacuité et sa superficialité. Mais qui est aussi rempli de réflexions contemporaines sur des temps révolus et de notions à coloration personnelle sur le genre, la classe et le fait de grandir sous cloche -ce que Sofia Coppola, en tant que fille de la légende du 7e art Francis Ford, connaît parfaitement.

Contrairement à Elvis, biopic clinquant, brillantiné et admiratif de Baz Luhrmann sorti l’année dernière, Priscilla ne se concentre ni sur les paillettes ni sur le glamour, et encore moins sur le rock ‘n’ roll. C’est un film-journal intime rêveur qui révèle le côté sombre et domestique du conte de fées pop et qui, sans vous laisser all shook up, vous fait ressentir, de manière plastique, que Graceland a bien souvent ressemblé au heartbreak hotel.

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