Critique | Cinéma

Plus que jamais : l’amour plus fort que la mort

3,5 / 5
Mathieu (Gaspard Ulliel) et Hélène (Vicky Krieps): l’amour plus fort que la mort. © National
3,5 / 5

Titre - Plus que jamais

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Emily Atef

Casting - Vicky Krieps, Gaspard Ulliel, Bjorn Flauberg

Durée - 2h02

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Dans Plus que jamais, Emily Atef confronte l’amour d’un jeune couple à une maladie incurable. Et signe un film lumineux sur la fin de vie.

Cinéaste franco-iranienne basée à Berlin, autrice notamment de Trois jours à Quiberon, Emily Atef livre, avec Plus que jamais, son cinquième long métrage, un film rare, drame pudique évoquant la fin de vie, mais dont émane un sentiment de lumière et de douceur. “Tous mes films ont un point commun, c’est qu’ils parlent de femmes qui traversent une crise existentielle, et qui cherchent, relève-t-elle à l’occasion d’une conversation vidéo. Et souvent, par le voyage dans un endroit inconnu, avec des gens et parfois des langues inconnus, elles arrivent à trouver une solution pour sortir de ce trou existentiel, parvenir à la lumière ou, au moins, défaire ce nœud.” Ainsi donc d’Hélène, jeune femme dans la trentaine qui, atteinte d’un mal incurable, refuse une hypothétique transplantation. Et choisit de quitter Bordeaux en dépit de l’incompréhension de son compagnon, Mathieu, pour aller s’isoler dans la quiétude d’un fjord norvégien. “Pour moi, Plus que jamais n’est pas un film sur la mort, mais bien sur la vie, et une certaine étape de la vie. Et comment on gère personnellement cette situation pour trouver la façon la plus paisible de la vivre. On vit dans une société où on ne nous demande jamais, en tant qu’individus, de vraiment choisir ce qu’on pense être juste pour ce moment. S’il y avait une morale à tirer du film, c’est qu’on en parle, et surtout qu’on demande aux personnes dans cette situation ce qu’elles désirent.

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Ce sujet, Emily Atef raconte qu’il la travaille depuis l’enfance, le désir de raconter cette histoire remontant, lui, à une dizaine d’années. Pour bientôt s’imposer avec plus d’acuité encore: “Ma mère a souffert 22 ans de sa vie et de notre vie de sclérose en plaques, avant d’avoir un cancer. Elle est décédée en 2015. J’avais commencé à travailler sur le film en 2010, on était très proches, elle avait lu le premier traitement. Mes recherches sur le film m’ont aidée à pouvoir lui dire de faire foncièrement ce à quoi elle croyait.” Si dix ans ont été nécessaires pour venir à bout du projet, c’est, explique-t-elle encore, parce qu’il lui fallait le temps pour avoir la maturité de le finir, mais aussi pour en trouver le financement: “Il y avait toujours des gens qui comprenaient et y étaient sensibles, mais d’autres aussi qui nous disaient: “Qui a envie de voir un film sur une jeune femme qui meurt?”” Voire: s’il y a longtemps eu là comme un tabou presque insurmontable, les films à aborder la fin de vie frontalement se font désormais plus nombreux…

Une alchimie palpable

Pour camper Hélène et Mathieu, ce couple dont l’amour est mis à l’épreuve de l’inéluctable, la réalisatrice a opté pour Vicky Krieps et Gaspard Ulliel, un choix judicieux tant le duo emmène le sujet en terrain sensible et émouvant. “Vicky et moi, on se connaît depuis un bon moment parce qu’on est voisines à Berlin et nos filles sont amies, elles étaient ensemble au jardin d’enfants. Elle avait fait un caméo dans Trois jours à Quiberon en femme de chambre. Et pour Hélène, elle était parfaite parce que c’est quelqu’un de très fragile, avec une voix si douce, mais aussi quelqu’un de tellement fort. Et puis, elle est là et n’est déjà plus là, ce qui est frustrant pour quelqu’un qui voudrait la retenir. Je suis allée la voir un jour pour lui raconter l’histoire, elle m’écoutait, et à la fin, elle a pleuré et m’a dit: “Je n’ai pas besoin de lire le scénario, je le fais.” Et c’est elle qui m’a fait rencontrer Gaspard. C’est une époque où elle faisait tous les castings en France, elle voyait tous les acteurs de cet âge, et quelques jours après, elle m’a dit: “Pour Mathieu, c’est Gaspard. Quand je joue avec lui, je peux voir dans ses yeux qu’il y est à fond…” Ce que confirme la vérité de l’écran, où transparaît leur alchimie, la disparition tragique du comédien ajoutant le trouble à l’émotion.

Le choix de la Norvège, lui, s’imposera naturellement et résistera aux contretemps -le moindre n’étant pas le Covid, et les restrictions qu’il imposera à la production, l’équipe se voyant réduite à sa plus simple expression. “La Norvège, c’est un personnage très important du film. J’y avais fait un voyage à moto dans la vingtaine, du nord au sud. On y trouve tout: des montagnes énormes, de l’eau partout, des déserts, des prairies, des forêts, des paysages lunaires, mais rude, il n’y a rien de pittoresque. Et puis, la lumière, qui ne descend pas, ce qui est à la fois dérangeant et bizarre. Cette nature est tellement forte que je me suis dit que si un jour je devais partir, ce serait là.” Le genre de paysage face auquel on se fait humble. Et un écrin d’une sauvage beauté dans lequel la quête existentielle d’Hélène prend un tour solaire. Ce film, s’il a des accents déchirants, est aussi une ode puissante à la liberté.

Plus que jamais

Drame délicat, Plus que jamais met le lien profond unissant un couple à l’épreuve de la maladie. Celle, incurable, dont souffre Hélène (Vicky Krieps) qui, en dépit de l’incompréhension de Mathieu (Gaspard Ulliel), son compagnon, fait le choix d’un exil solitaire en Norvège. Tandis qu’elle atteint une forme d’apaisement dans la rude et imposante beauté des fjords, leur amour trouve dans l’éloignement matière à se réinventer. Avec ce film, Emily Atef signe une méditation pudique et inspirée sur la fin de vie et l’acceptation de la mort. Une quête existentielle que Vicky Krieps, vibrante, emmène en quelque horizon paradoxalement lumineux, auquel la retenue de Gaspard Ulliel offre un écho bouleversant, la disparition tragique de ce dernier ne faisant qu’ajouter au trouble. Beau film.

D’Emily Atef. Avec Vicky Krieps, Gaspard Ulliel, Bjørn Flauberg. 2 h 02. Sortie: 30/11. 7

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