Critique | Cinéma

Pacifiction, avec Benoît Magimel : l’envers des tropiques

2,5 / 5
© National
2,5 / 5

Titre - Pacifiction

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Albert Serra

Casting - Benoît Magimel, Pahoa Mahagafanau, Marc Susini

Sortie - En salle le 11 janvier

Durée - 2 h 45

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Dans Pacifiction, Albert Serra et Benoît Magimel s’abandonnent à la torpeur polynésienne dans un film oscillant entre rêverie hypnotique et puissant narcoleptique.

Découvert en 2006 avec Honor de cavallería, une relecture toute personnelle de Don Quichotte, le cinéaste catalan Albert Serra a, depuis, tracé un sillon éminemment singulier, qu’il s’empare des mémoires de Casanova pour Histoire de ma mort, ou qu’il s’attache au Roi Soleil dans La Mort de Louis XIV, avec un Jean-Pierre Léaud sidérant. Évolution sensible, Pacifiction le voit aujourd’hui s’atteler à un sujet contemporain, sans pour autant que la texture de son cinéma s’en trouve fondamentalement altérée.

La Polynésie française, et Tahiti plus précisément, offre son cadre enchanteur à ce drame dérivant paresseusement vers le thriller paranoïaque. C’est là que l’on découvre De Roller (Benoît Magimel), Haut-Commissaire de la République, un homme onctueux et patelin arpentant les îles de réception en boîte de nuit, de spot de surf en réunion informelle. Dévoué à sa fonction, encore qu’il se sente lâché par sa hiérarchie, et disponible -“si je peux aider…”- à défaut d’autre chose; attentif aussi à la rumeur locale. Et justement, celle-ci fait état d’une possible reprise prochaine des essais nucléaires, la petite communauté étant bientôt en proie à une certaine agitation. Enfin, toute relative s’entend, vu qu’il ne se passe la plupart du temps rigoureusement rien, ou alors si peu, une frêle embarcation qui emmène, nuitamment, des jeunes femmes pour une destination inconnue -un sous-marin?-, ou la disparition du passeport d’un visiteur portugais constituant les climax d’une narration indolente…

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Le délitement d’un monde

Albert Serra explique, dans le dossier de presse du film, s’être notamment inspiré, pour écrire son scénario, des souvenirs de l’actrice d’origine polynésienne Tarita Tériipaia, qui fut pendant dix ans la compagne de Marlon Brando, et du contraste y apparaissant entre pureté originelle et corruption moderne. Pour autant, Pacifiction n’est pas une relecture du Tabu de Murnau, même si le réalisateur veille à adosser son récit à une toile plus vaste, entre vestiges et persistance du colonialisme, enjeux géostratégiques et délitement d’un monde contemplant sa propre disparition. Une perspective potentiellement passionnante que le film ne fait toutefois qu’effleurer, s’en tenant, pour l’essentiel, à des ruminations brumeuses (raccord, il est vrai, avec l’inintelligibilité du monde) marmonnées par un Magimel évoluant dans cet environnement opaque dans un état proche de l’hébétude -plus fossile que minéral en définitive. Une composition déconnectée pour un film tenant de l’expérience lysergique, voyage vers un inconnu cinématographique dont la fulgurance plastique occasionnelle ne suffit pas toujours à tromper l’ennui: entre rêverie hypnotique et puissant narcoleptique, le fil est parfois ténu…

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