Critique | Cinéma

La Salle des profs: quand une école part en vrille

4,5 / 5
© National
4,5 / 5

Titre - La Salle des profs

Réalisateur-trice - D’Ilker Çatak

Casting - Avec Leonie Benesch, Leonard Stettnisch, Eva Löbau.

Durée - 1 h 38

D’un banal vol au sein d’une école secondaire, Ilker Çatak fait un thriller claustrophobique qui vous tient en haleine tout du long.

Ce dimanche, Das Lehrerzimmer (La Salle des profs en VF) n’a guère de chances de remporter l’Oscar du meilleur film international face au drame glaçant sur l’Holocauste de Jonathan Glazer The Zone of Interest. Mais ce thriller d’auteur venu d’Allemagne n’a pas volé sa nomination. C’est une bombe à retardement qui explose dans un contexte familier: une école secondaire.

Une enseignante idéaliste (Leonie Benesch) n’accepte pas qu’après une intervention discutable de la direction son élève turc soit soupçonné d’une série de vols dans la salle des profs. Elle commence à mener une enquête peu orthodoxe qui plonge l’établissement dans une crise encore plus grave. Tout le monde se retourne contre elle: ses collègues remontés l’un contre l’autre, son odieux directeur qui prône la tolérance zéro, le journal de l’école qui se rebiffe, les parents qui se mêlent de tout. L’ambiance se détériore et l’enseignante finit même par perdre le contrôle sur la classe bavarde qu’elle semblait pourtant gérer si naturellement. On crierait très fort, ou on finirait par hyperventiler pour moins que ça.

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Le réalisateur Ilker Çatak s’empare de ce scénario malin et en fait un thriller psychologique claustrophobe qui laisse à peine au spectateur le temps de reprendre son souffle. La caméra-espionne ne sort jamais de l’école. Un conflit couve encore sous la cendre qu’un autre s’embrase déjà. Personne ne semble capable de mettre de côté ses propres motivations, ne serait-ce qu’un instant. Les solutions restent hors de portée et la vérité se dissout dans les campagnes de dénigrement, la déformation des faits et les suspicions. Le montage incite impitoyablement à se joindre à cette atmosphère de plus en plus délétère. La musique, qui tape sur les nerfs, constamment intrusive, amplifie le sentiment de malaise et la paranoïa.

La réalisatrice bruxelloise Laura Wandel avait montré dans Un monde à quel point la cour de récréation pouvait ressembler à une jungle hostile pour une enfant de 6 ans. On constate ici que la salle des profs n’est pas plus sûre. On s’y pousse, on s’y bouscule et on y crache peut-être moins, mais le venin dégouline parfois des murs. Ces deux films envisagent l’école comme un microcosme reflétant les grands maux de la société. En l’occurrence: le racisme, l’autoritarisme, le sexisme, les abus de pouvoir, les différences de classe, les vérités alternatives, l’incapacité à mettre les choses en perspective et le besoin navrant de trouver un bouc émissaire, à abattre si besoin.

Ilker Çatak souligne tout cela sans vouloir donner la leçon au spectateur. Et sans répéter l’erreur de son personnage principal: faire cavalier seul en partant de bonnes intentions mais avec une supériorité morale mal placée. Le réalisateur n’en a pas besoin: les ravages qu’il montre sont suffisamment éloquents.

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