2019, année de l’anarchie sur les écrans

Léa Seydoux, dans Roubaix, une lumière, sorti en Belgique grâce à une initiative isolée. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Distribution aléatoire, circuits alternatifs, poids des plateformes: les modèles de diffusion des films n’en finissent plus d’évoluer.

C’est là l’un des signes d’une évolution sensible: on n’a dû, ces derniers mois, qu’à des initiatives isolées, prises le plus souvent par des exploitants, de pouvoir apprécier sur grand écran un film essentiel comme An Elephant Sitting Still, de Hu Bo, ou des oeuvres aussi estimables que L’Heure de la sortie, de Sébastien Marnier, plébiscité à la Mostra de Venise, ou Roubaix, une lumière, dernier opus en date d’un cinéaste majeur, Arnaud Desplechin. Une poignée d’exemples parmi d’autres, pour illustrer une situation mouvante où, si les blockbusters squattent les écrans des multiplexes et au-delà, du côté du cinéma d’auteur, les temps apparaissent plus que jamais incertains…

Cette fragilisation n’est pas neuve, conséquence d’une réalité économique imposant aux distributeurs, indépendants et parfois majors confondus d’ailleurs, une frilosité au nom de laquelle tant le magnifique Asako I & II, de Ruysuke Hamaguchi, que le zombiesque The Dead Don’t Die, de Jim Jarmusch, ont eu droit au traitement, autrefois infamant, du direct-to-video. En quoi on verra un pis-aller dans un contexte délicat. S’il n’y a jamais eu un nombre aussi important de films montrés dans les salles, les modèles de diffusion ont pour leur part résolument évolué, un phénomène déjà observé mais qui semble s’amplifier d’année en année. A la distribution classique sont ainsi venus s’ajouter des circuits alternatifs, alimentés tant par les producteurs, se passant parfois d’intermédiaires pour une exploitation limitée de leurs oeuvres en salles (c’est le cas notamment de nombre de documentaires), que par ces dernières, se fournissant pour certaines directement « à la source » des vendeurs.

Une microéconomie du cinéma à laquelle se superpose la vision macro d’un Netflix, le géant américain du streaming, non content de produire les derniers films de Martin Scorsese (The Irishman) ou de Noah Baumbach (Marriage Story) parmi d’autres, se piquant désormais d’en proposer l’exploitation, surtout symbolique, sur grand écran. Manière commode d’asseoir sa crédibilité cinéphile, tout en réservant, pour l’essentiel, l’accès à ces oeuvres de prestige à ses abonnés. Ce qui, dans la terminologie économique de l’époque, s’assimile à une stratégie win-win…

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