Critique

[Le film de la semaine] Roubaix, une lumière, d’Arnaud Desplechin

Roubaix, une lumière
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

POLAR | L’on n’attendait guère Arnaud Desplechin, cinéaste à l’univers intensément romanesque, sur le terrain du réel. C’est dire si, inspiré par un fait divers et le documentaire consécutif Roubaix, commissariat central, affaires courantes de Mosco Boucault, Roubaix, une lumière, son dixième long métrage, semble marquer une rupture dans sa filmographie.

Comme Un conte de Noël avant lui, le film a pour cadre la ville d’origine de l’auteur par un soir de fête de la Nativité, aux intérieurs cossus se substituant le marasme d’une cité en faillite, celle que sillonne inlassablement le commissaire Daoud (Roschdy Zem). Et le récit de débiter la litanie du quotidien d’un commissariat de quartier déshérité, voiture incendiée, braquage de boulangerie, viol d’une jeune fille, adolescente en rupture familiale, arnaque à l’assurance… Comme un échantillon de la douleur et de la misère du monde sur laquelle Daoud, un solitaire laconique doublé d’un amateur de chevaux, porte un regard empreint d’humanité et de sagesse, lui qui, armé de son sourire indéchiffrable, semble doué d’une forme de prescience lui permettant de toujours savoir si un suspect est coupable ou innocent. Sans qu’il n’y ait là, du reste, rien d’extraordinaire -« J’essaie de penser comme eux« , relèvera-t-il à l’intention de Louis (Antoine Reinartz), jeune lieutenant fraîchement débarqué sur le terrain.

À sa suite, Roubaix, une lumière va prendre un tour fascinant, le récit-mosaïque se resserrant autour d’une affaire sordide, le meurtre d’une vieille dame dans une impasse crapoteuse. Un fait divers crapuleux dont deux jeunes femmes, Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier), amantes démunies et alcooliques, apparaissent comme les suspectes toutes trouvées, faisant bientôt l’objet d’interrogatoires serrés. S’il continue à coller obstinément au réel, le film s’en détache alors insensiblement, tout comme, aiguillée par la partition de Grégoire Hetzel, la fiction (et partant le romanesque) rattrape Arnaud Desplechin. C’est l’humain derrière l’inhumain que traque inlassablement ce flic hors norme, aspiration à la grandeur qu’incarne sobrement Roschdy Zem, maintenant un cap inébranlable dans une mer de détresse humaine qu’arpentent fébrilement Léa Seydoux et Sara Forestier, bouleversantes. Jusqu’à trouver, au terme de ce polar métaphysique sondant les êtres avec une acuité rare, une lumière, discrètement étincelante.

De Arnaud Desplechin. Avec Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier. 1h59. Sortie: 16/10. ****

Lire aussi notre interview d’Arnaud Desplechin

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