Critique

Que vaut la nouvelle saison de Twin Peaks?

Kyle MacLachlan dans la nouvelle saison de Twin Peaks © Showtime
Nicolas Bogaerts Journaliste

Dans la nuit de dimanche à lundi, le nouveau chapitre tant attendu de Twin Peaks a été révélé. Premières impressions garanties sans spoilers.

L’image saisissante, parmi toutes celles qui resteront du retour aux affaires du duo Frost-Lynch, tient dans ce cube de verre ouvert sur l’extérieur par un oeil de boeuf, dans un appartement new-yorkais, et surveillé en permanence par un étudiant chargé de « signaler si quelque chose y pénètre ». Il en sera de cette boîte (antichambre du Malin?) comme de notre écran, durant les quasi deux heures qu’aura duré la première diffusion de Twin Peaks, dans la nuit de dimanche à lundi sur BeTv: quelque chose de merveilleusement mystérieux, d’atrocement énigmatique y aura fait irruption. Et nous en faisons, déjà, totalement partie.

Vingt-six ans après, David Lynch et Mark Frost raccrochent le wagon au postulat qui mit fin abruptement à la série en 1991. Alors que dans un fracas de miroir et de sang, l’entité Bob semblait avoir pris possession de l’agent Dale Cooper, que son âme restait prisonnière du Black Lodge aux rideaux pourpres, en compagnie de Laura Palmer, du géant, du nain, d’une myriades de questions restées sans réponse et d’une promesse suspendue dans l’éther: « Nous nous reverrons dans 25 ans. » Tout l’enjeu de la 3e saison peut, sans doute, se poser comme suit: comment Cooper va-t-il réintégrer son corps, alors qu’un double maléfique, violent, tueur à gages à la dégaine de rockeur tarantinesque en a pris possession?

David Lynch et Mark Frost ont fomenté un récit de 18 heures découpé en autant de « parties », au scénario aussi éclaté que l’espace (de New York à Vegas) et les modes de narration, auxquels ils ont imprimé une lenteur canonique. Les rappels, clins d’oeil, énigmes, clefs d’interprétation, visions, intrigues nouvelles et crapuleuses se déploient dans un dédale qui ne fonctionne pas tout à fait comme le précédent. Faisons-nous une raison: le passé a cédé la place au présent, inutile de chercher les vestiges d’un temps narratif révolu, celui du Twin Peaks de 1990. Devant cette évidence, à l’instar de l’agent Dale Cooper cherchant une issue au labyrinthe rouge du Black Lodge, le sol se dérobe sous nos pieds…

Dans ce « rabbit hole » très Lewis Carrollien, l’angoisse est béante mais le grotesque n’oublie pas de s’inviter en vieil habitué. L’annonce est ainsi faite d’une série chorale, dont de nombreuses pièces et personnages sont encore à dévoiler (quelques caméos notables), à agencer. D’autres y sont déjà bien en place: la Femme à la bûche, l’officier Hawk, Lucy et son mari Andy, le Dr Jacoby. Et surtout Shelly (Mädchen Amick) et James (James Marshall) dont l’apparition, à l’occasion d’une courte scène finale sous les notes éthérées du groupe Chromatics, ressuscite instantanément ce charme désuet et mélancolique, unique, qui semblait avoir déserté les lieux pour de bon. En quelques secondes miraculeuses, deux plans et autant de nappes d’accords nous avançons sur une mousse de nostalgie cotonneuse et ascensionnelle, hors de toute brutalité sombre, en terrain presque familier. Il ne fallait pas plus que cette respiration pour retrouver l’espoir.

Série créée par David Lynch et Mark Frost. Parties 3 et 4 samedi 29/05 sur BeTv. ****

>> Lire également notre interview de Pacôme Thiellement, auteur de La Main gauche de David Lynch: « Twin Peaks a aidé à avoir un regard bienveillant sur les freaks »

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