Explosion des Web-séries: et ce n’est qu’un début…
À l’instar de la RTBF, Arte lancera trois de ces fictions Web qui, plus que jamais, semblent électriser le petit monde de la création audiovisuelle.
Univers foisonnant s’il en est, la Web-série a le vent en poupe. Forcément. Des monologues hallucinés aux fictions plus ou moins léchées, des capsules humoristiques aux talk-shows improbables, Internet offre à toutes les velléités créatives, qu’elles soient ou non trempées dans un quelconque talent, l’opportunité d’émerger à la surface de la Toile. Au point de voir les chaînes de télé « récupérer » le phénomène. La Deux s’est ainsi récemment offert Le Stagiaire, Web-série humoristique réunissant James Deano et le jeune Web-phénomène Gui-Home, pour l’encapsuler dans sa grille de fêtes. Plus institutionnalisé encore: la Web-série Euh… remportait en novembre dernier un concours organisé par la RTBF, gagnant par la même occasion la production d’une saison complète, qui sera diffusée au printemps prochain. Objectif avoué du côté de Reyers: « Initier un concept novateur d’appel au public. » C’est le même type d’attente qui prévaut du côté d’Arte, où trois Web-séries feuilletonnantes seront très prochainement mises en chantier. « Début 2015, on entre en production de trois projets: une comédie, une série noire et une série d’anticipation, soit trois fois dix épisodes de cinq à six minutes chacun », précise Judith Louis, directrice de la fiction pour la chaîne franco-allemande.
Si des projets transmedia comme Addicts ou encore About: Kate ont déjà largement débordé sur le site d’Arte par le passé, il s’agira ici de fictions purement Web. « Au sein de l’unité fictions, nous sommes absolument passionnés par la narration. Les Web-séries offrent un grand nombre de nouvelles possibilités, notamment au niveau des durées et des formats. On a eu, par le passé, les 52 minutes qui ont remplacé les 90 minutes, puis on a vu apparaître les 3 x 52 minutes, etc. C’est un appel d’air pour nous. Ça nous permet de découvrir de nouvelles têtes, de nouveaux auteurs, de nouvelles idées. Nous espérons également attirer un nouveau public, plus jeune et plus rompu à ce type de médias et de programmes », poursuit Judith Louis. On imagine évidemment que pour les chaînes de télévision, le Web offre un laboratoire d’idées à prix plutôt abordable (Arte financera chacune des séries à hauteur de 200.000 euros pour 10 x 6 minutes, la RTBF octroyant quant à elle 100.000 euros pour la première saison de Euh…), soit une sorte d’incubateur à talents d’où pourraient émerger les producteurs, réalisateurs ou acteurs de demain. « Si cela crée des passerelles vers notre grille télé, tant mieux. Mais on n’en est pas encore là », lance encore Judith Louis quand on lui demande si les Web-séries qui cartonneraient sur le Net auraient un accès automatique à la petite lucarne.
Les Etats-Unis, loin devant…
En France, des dizaines de Web-séries réunissent chaque semaine leurs fidèles. Certaines, comme Le Visiteur du futur (déjà quatre saisons) ou Hello Geekette (apparue en 2008!) capitalisent des millions de vues sur leurs sites de diffusion. En 2012, l’un des auteurs d’Hello Geekette ironisait au 20 h de France 2: « On a une recette que tout le monde nous envie: on fait notre tournage, on dépense de l’argent et puis à la fin, on compte ce qu’on a perdu. » Le passage vers la télévision peut, dans cette optique, constituer un retour sur investissement pour ces séries non-professionnelles, pas toujours (voire pas souvent) bien interprétées ni bien écrites, mais ô combien collées à l’air du temps. En France, où l’on a mis une grosse décennie à assimiler les nouveaux codes de la série télé de qualité (des fictions comme Engrenages, Pigalle la nuit, Les Revenants ou dernièrement P’tit Quinquin ont prouvé qu’il y avait du progrès), on ressent encore largement le décalage de qualité avec les Web-séries américaines. « Si on joue le jeu des nouveaux auteurs, des nouveaux réalisateurs et du côté laboratoire, ça va forcément tâtonner un peu au début, c’est normal. C’est un peu compliqué de demander que tout soit directement parfait », plaide Judith Louis.
Aux Etats-Unis, la mode des Web-séries a contaminé tout Hollywood. On ne compte plus le nombre de grands acteurs ou de grands metteurs en scène qui traversent la frontière du Web pour aller y expérimenter de nouvelles formes de narration libérée, que ce soit dans la fiction, dans le documentaire ou dans l’humour. On se rappelle que Will Ferrell et Adam McKay, deux des monstres sacrés de la nouvelle comédie américaine, avaient lancé en 2007 leur site Funny or Die, soit une multitude de capsules humoristiques hilarantes alimentées par les Judd Apatow, James Franco, Ryan Gosling et autre Mila Kunis. De son côté, Lisa « Phoebe de Friends » Kudrow avait fini par faire atterrir son excellente Web Therapy sur Showtime, après quelques saisons menées sur la Toile. Une Toile dans laquelle se démènent également Steve Buscemi (pour une Web-série documentaire à venir sur New York), Whoopi Goldberg, Neil Patrick Harris ou encore l’immense Harvey Keitel, qui a prêté son aura à The Power Inside, une Web-série de science-fiction comique vraiment costaude sortie du porte-monnaie d’Intel et de Toshiba. Récemment, Paul Schrader annonçait que son Life on the Other Side serait présenté en long métrage dans les festivals, mais en dix épisodes de Web-série par ailleurs. Et le scénariste de Taxi Driver d’y aller d’un commentaire éclairant à Variety: « De nos jours, les talents américains émigrent vers les séries télé et Internet. » Et ce n’est probablement qu’un début.
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