Megaupload: 6 mois déjà!

La fermeture du plus gros hébergeur de fichiers sur internet a-t-elle marqué un tournant décisif dans nos pratiques de consommation culturelles? Le 19 janvier 2012, le FBI mettait brusquement fin à l’empire « Mega ». Six mois plus tard, c’est l’heure de l’état des lieux.

Le couperet tombait le 19 janvier 2012, en fin de soirée: le FBI ferme Megaupload pour violation des droits d’auteur. La fermeture du site qui générait 4% du trafic Internet mondial a été ressentie comme un séisme par de nombreux internautes. Sur Facebook et sur Twitter, les réactions affluent: @Yalers se demande « Et si les mayas avaient raison? », @Aur3Lianna propose 72 minutes de silence, @TOMHTML prédit une hausse de la fréquentation des vidéos clubs, tandis que @bengallerey parle de réinstaller Napster (un service de téléchargement en peer to peer apparu en 1999). Depuis ces réactions à chaud, six mois se sont écoulés, et ont apporté leur lot de changements. Dans les jours suivant l’opération menée par le FBI, les services de contenu VideoBB et Videozer, ainsi que le service de téléchargement direct FileServe, vraisemblablement opérés par la même société, ont décidé de supprimer l’ensemble de leurs contenus hébergés. Le 20 janvier 2012, mais sans lien avec la fermeture de la galaxie « Mega », les sites de la galaxie « Allo » (Allostreaming, Alloshowtv, etc.) ont fermé suite à une action en justice.

Six mois plus tard, les cartes ont été redistribuées. Un nouveau paysage se dessine. On voit petit à petit se démarquer un nouveau modèle, qui attire de plus en plus d’adeptes: le streaming légal. Mais le téléchargement illégal n’a pas pour autant disparu avec Megaupload. De nombreux ersatz sont venus prendre une partie de la place laissée par la disparition du géant.

Coupez la tête de l’Hydre, elle repoussera

Ils s’appellent maintenant Rapidshare, Mixturecloud, Purevid, PutLocker, MediaFire, et la liste s’allonge. Ces sites sont comme des hydres, vous leur coupez une tête et il en pousse vingt. Du côté du streaming illégal, Purevid et Mixturevideo, qui n’étaient alors que des acteurs marginaux du temps de la domination « Mega », se sont imposés comme les nouveaux leaders. Mais ils proposent aujourd’hui un service beaucoup plus limité que feu Megavideo. La limitation de 72 minutes qu’imposait le service apparaîtrait aujourd’hui comme un Eldorado aux yeux des usagers. Le streaming est devenu principalement payant, réservé aux membres « premium ». Avec, pour conséquence, une forte baisse de ce type de consommation.

Pour ce qui concerne le téléchargement direct, la réorganisation s’est faite plus facilement, le paysage étant déjà nettement plus atomisé avant la fermeture de Megaupload. Une étude française datant de fin mars constate qu’ici, « les usages ne semblent pas avoir réellement évolué, le trafic migrant de Megaupload vers d’autres acteurs clés du téléchargement direct. » Mais la qualité de service, en termes de débits disponibles, a nettement diminué.

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Du coup, il semblerait que de plus en plus d’internautes reviennent vers les méthodes de grand-mère -on ne parle pas de la VHS, mais bien du peer to peer (pair à pair), qui avait connu son heure de gloire dans les années 2000, avec des services comme Napster, Kazaa, Shareaza, Emule ou LimeWire. Aujourd’hui, ils s’appellent The Pirate Bay ou BitTorrent. En matière de partage de contenus illégaux, la grosse différence entre le téléchargement direct et le peer to peer, c’est que dans ce dernier personne ne centralise le fichier. C’est chaque internaute qui possède le fichier sur son ordinateur qui le partage avec les autres.

Ce qui a disparu avec Megaupload

Ce qui frappe le plus dans le constat de l’après-Megaupload, c’est que finalement,la plupart des gens qui téléchargeaient illégalement continuent à le faire. Plus difficilement, moins rapidement, parfois en optant pour une solution payante, mais ils se débrouillent pour continuer. Après une période d’adaptation, la toile se réorganise et, petit à petit, la plupart des contenus qui étaient disponibles du temps de Megaupload refont surface.

Mais à côté de ça, certains contenus tardent à faire leur réapparition. Des raretés, qu’on ne trouve pas par les voies légales (Amazon, iTunes, ou à la Fnac) que certains passionnés avaient pris du temps à mettre sur Megaupload. Pas pour l’argent, juste pour l’amour de la culture. N’imaginant pas que le colosse avait un pied d’argile. Des heures et des heures passées à mettre des perles rares à disposition de tous. Les amateurs de polars américains des années 70, d’horreur italienne des années 80, de cinéma Z tout droit sorti des fabriques d’Hong Kong, ou de comédies franchouillardes des années 90, sont bien en peine depuis la fermeture du géant. Ces contenus qui, il y a six mois à peine, étaient à portée de clic, sont aujourd’hui quasiment introuvables.

La caverne des introuvables (qui portait décidément bien son nom), le plus connu de ces sites de cinéphiles passionnés, a décidé de fermer son domaine après ce coup fatal. Un paragraphe en guise de remerciements résume à lui seul l’utilité publique de ce genre de site: « Merci aux posteurs, repackers, sous-titreurs, collectionneurs d’archives, enregistreurs fous, etc. qui ont inlassablement partagé leurs pépites, chacun avec leurs goûts et préférences, pour que le plus grand nombre ait provisoirement accès à un ciné-club éphémère d’oeuvres délaissées par les professionnels et les chaînes de télévision, noyautées par les spéculateurs du film d’occasion, et qui tombent un peu plus dans l’oubli à chaque nouveau standard technologique. Grâce à vous nous avons pu (re)découvrir des centaines de films qui croupissent dans des armoires, attendant qu’un éditeur français veuille bien les trouver suffisamment rentables pour s’y intéresser. »

S’attaquer aux causes plutôt qu’aux symptômes

Megaupload n’était finalement qu’un symptôme d’un malaise bien plus profond. Face à la culture du téléchargement illégal et au pouvoir d’attraction du streaming (que l’empire Mega aura plus que jamais contribué à populariser), la mise à disposition du grand public de contenus attrayants tarde à arriver.

On voit cependant émerger peu à peu un nouveau modèle. Celui du streaming légal payant. Il est déjà arrivé chez nous dans le domaine de la musique avec des sites comme Spotify ou Deezer. L’originalité de ces sites est de facturer non plus à l’oeuvre, mais au mois. Un bon compromis pour les consommateurs voraces de musique. Pour le prix d’un abonnement mensuel tournant autour de 10 euros par mois, l’utilisateur a un accès illimité à un catalogue immense. La formule séduit, mais il est encore trop tôt pour voir si, à long terme, le modèle est viable. L’équivalent au niveau de la vidéo n’existe pas encore dans nos contrées. Aux Etats-Unis, il existe et s’appelle Netflix. Ce dernier a révolutionné la VOD Outre-Atlantique (25 millions d’abonnés et 20% du trafic web US). L’apparition d’une telle solution chez nous contribuerait certainement à rendre les sites de contrefaçon moins aguicheurs. Ca permettrait peut-être de remettre sur le droit chemin les nombreux internautes qui ont pris l’habitude d’emprunter des chemins de traverse pour regarder sans attendre films et séries. Mais le service ne semble pas prêt d’arriver ici. C’est que notre chronologie des médias actuelle (cette règle quelque peu archaïque définissant l’ordre et les délais dans lesquels les différentes exploitations d’une oeuvre cinématographique peuvent intervenir) freine sévèrement le développement de la VOD. De ce côté-là, c’est sûr: un océan nous sépare.

Valentine François (stg)

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