L’appli Belgium Underground, l’autre Sound of B.

Belgium Underground © Point Culture
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Après Beat Bang, retraçant l’histoire des musiques électroniques, Point Culture propose une nouvelle appli. Foisonnante, elle s’attaque cette fois à la scène underground made in Belgium. Des Honeymoon Killers à dEUS, d’A Split Second au label Vlek.

« Un jour, lors d’une réunion, les développeurs nous ont prévenus: « Si vous continuez, on va friser le device », explique David Mennessier, Benoît (Deuxant, NDLR) et moi, on n’est pas informaticiens, mais on a vite compris ce qu’ils voulaient dire: à force de ramener toujours plus de matière, l’appli risquait d’imploser! » Les deux chevilles ouvrières de Belgian Underground, la nouvelle application mise au point par Point Culture, ont donc pris la seule décision possible: en ajouter encore davantage… Une petite astuce technique plus tard, le résultat est là. Disponible depuis quelques jours, l’application rassemble plus de 3000 références -artistes, labels, producteurs, salles -, qui ont fait, et font toujours, l’histoire de la musique underground en Belgique. Titanesque.

C’est la seconde fois que Point Culture se lance dans ce genre de pari. En 2012 déjà, l’institution avait lancé Beat Bang. Tout aussi ambitieux, le projet retraçait une histoire des musiques électroniques, rien que ça. Dans la foulée, l’appli participait à redessiner et renouveler l’image de l’ex-Médiathèque, désormais Point Culture, obligée de repenser ses missions, depuis que le Net est passé par là, et a rendu disponibles, en quelques clics, la plupart des médias… « Une appli comme Beat Bang, c’est une manière ludique d’aller vers notre public, et en même temps d’en toucher un nouveau. »

L'appli Belgium Underground, l'autre Sound of B.
© capture d’écran

Il y a deux ans, David Messennier et Benoît Deuxant se sont donc lancés dans un nouveau projet, du même tonneau. Toujours sous forme d’appli, il s’agissait cette fois de brosser un portrait de la musique underground en Belgique, de 1976 à nos jours. Plus question donc de s’éparpiller entre les courants électros de Detroit, Londres ou Berlin: en se braquant sur la scène underground du « terroir », la tâche devait a priori s’avérer un peu plus simple. « On pensait collecter à peu près 1500 entrées, peut-être 2000 maximum. » Ils en rassembleront un millier supplémentaire… « A chaque fois qu’on rencontrait quelqu’un, il nous lançait dix, vingt pistes supplémentaires. Ce qui était à la fois rassurant et inquiétant… »

La plupart de ces infos, on ne les retrouve pas en cherchant sur Google! Autant dire que c’est à peu près comme si tout cela n’avait jamais existé.

Inquiétant, parce qu’au fil du temps, le corpus n’a jamais arrêté de gonfler. Rassurant, parce qu’au-delà des cas historiques emblématiques (par exemple, l’épopée bien connue des Disques du Crépuscule, au début des années 80), il y avait bien toute une histoire dormante à raconter. « Il y a une attitude d’humilité, voire d’autodénigrement assez généralisée en Belgique. Quand on contactait les gens, ils étaient toujours surpris et se demandaient ce qu’ils allaient bien pouvoir nous raconter. Quand on est arrivé chez Patrick Stas, par exemple (le label Home Produkt, NDLR), il a suffi qu’on lui pose une question, et il ne s’est plus arrêté. Il nous a appris plein de choses sur la scène liégeoise des années 80, qu’on ne soupçonnait pas. La plupart de ces infos, on ne les retrouve pas en cherchant sur Google! Autant dire que c’est à peu près comme si tout cela n’avait jamais existé. »

L'appli Belgium Underground, l'autre Sound of B.
© Hector Martin Moreno

Big in Belgium

Certes, les sorties furent parfois confidentielles, mais elles ont souvent su trouver leur chemin vers l’étranger, via les réseaux indépendants. Des musiques de niche qui se retrouvent parfois rééditées aujourd’hui par les labels les plus branchés. L’enseigne américaine Minimal Wave, par exemple, ressort régulièrement des groupes belges du début des années 80 (par exemple Linear Movement), dont les morceaux n’étaient parfois parus qu’en format cassette! A côté de cela, l’appli ne fait pas pour autant l’impasse sur des noms plus connus -jusqu’à citer des têtes de gondole comme les Girls in Hawaii, Soulwax ou dEUS. Au point de se demander ce que recouvre encore précisément le terme « underground »?… « Il faut bien avouer que c’est un mot un peu tarte à la crème, dans le sens où il veut tout et rien dire à la fois. Sans compter que sa définition a évolué dans le temps. Mais, même si les parcours peuvent être différents, une chose est certaine, c’est que l’underground n’est pas l’antichambre du mainstream. Ce n’est pas l’endroit où les groupes attendent impatiemment d’avoir du succès. Cela peut arriver. Mais ce n’est pas le but de départ. Pour rappel, avant de se retrouver sur une major, un groupe comme dEUS par exemple a signé chez Bang!, un petit label de Jambes… »

L'appli Belgium Underground, l'autre Sound of B.
© capture d’écran

Devant la masse d’infos récoltées, il a fallu mettre un peu d’ordre. Concrètement, l’appli permet de tisser des liens entre tous les éléments, répartis en six catégories. Soit, par ordre d’apparition: punk, wave, arty, new beat, guitares, et les microlabels, chacune de ces catégories étant décrite dans un court texte. Une vingtaine de vidéos sont également disséminées dans l’application. Par ailleurs, une section a également été créée pour évoquer les lieux (une cinquantaine de salles, disquaires, boîtes…) qui ont compté: c’est l’une des parties les plus addictives de l’appli, même si elle doit encore être complétée. « On s’est focalisés jusqu’ici sur les lieux « historiques », qui ont parfois disparu. Du coup, il manque en effet des salles comme le Bota ou le Magasin 4. Mais l’appli va encore évoluer évidemment. »

Reste à questionner la borne temporelle de départ: 1976. Comme si l’underground n’avait pas existé avant? « Bien sûr que si. Mais en 1976, l’arrivée du punk va généraliser l’éthique Do It Yourself. Le mouvement va avoir une influence considérable sur la façon de concevoir la musique. Jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs. Depuis le début des années 2000, on a assisté très clairement à la multiplication de microlabels, qui reprennent non seulement les codes, mais parfois aussi les formats du punk, en ressortant des vinyles ou des cassettes. En quelque sorte, on boucle la boucle. »

Infos: www.pointculture.be

À télécharger sur le Play Store de Google ou l’App Store d’Apple

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