Critique | Musique

L’album de la semaine: Forever Pavot – Rhapsode

Forever Pavot © FX Richard
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

POP | Un cousin français de Jacco Gardner, fan de Morricone, de Roubais et Vannier, se la joue psychédélique et cinématique chez Born Bad.

Du label parisien Born Bad Records, on connaît surtout les groupes qui dézinguent (Frustration, Magnetix, Cheveu…). Ceux qui ont fait de l’écurie dirigée par JB Guillot ce qu’elle est: un pilier inébranlable de l’underground rock français. Emile Sornin, alias Forever Pavot, ne se chauffe pas de ce bois-là. Emile, pour l’instant en tout cas, a un faible revendiqué et assumé pour le cinéma et ses musiques de films. François de Roubaix, Francis Lai, Jean-Claude Vannier… Et il est fan de Giallo. Ces thrillers érotiques d’épouvante pour lesquels Ennio Morricone, Bruno Nicolai et autre Stelvio Cipriani ont composé d’improbables bandes-sons.

Ancien membre du groupe de rock progressif Arun Tazieff, Sornin a fait du punk hardcore, de la chiptune (comprenez de la musique 8-Bit) et de la pop. Enregistré des chansons garage/folk sur K7… Un gage de liberté qui lui laisse à penser que personne ne pourra l’emmerder s’il veut enregistrer un album de reggae dans trois ans.

Il s’est aussi surtout distingué à travers ses clips farfelus, filmés dans des bureaux d’entreprise et des châteaux du XVIIIe pour Disclosure (Grab Her), Dizzee Rascal (I Don’t Need a Reason) et Alt-J (Fitzpleasure)… Pas étonnant en somme, qu’après une poignée de singles pressés au compte-gouttes et sortis sur des petits labels indépendants comme Frantic City, The Sound of Salvation et Croque Macadam (Christophe Colomb, prétend la légende, avait été distribué gratuitement avec des chocolats), son premier album soit un hommage au septième art. Un film sans images qui réhabilite le clavecin, l’orgue Farfisa et la flûte à bec. Instruments d’un autre âge pour un disque qui l’est tout autant.

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Gainsbourg en semait jadis des grains sur les pavés de l’anamour… Le pavot, le blanc surtout, est à la mode. Héros de ces disques sous opiacés qui peuplent le revival psyché. Pointilleux et aventureux, Sornin incarne son versant européen dans ce qu’il a de plus réussi. Evoque à la fois Orval Carlos Sibelius, ses compagnons de label Dorian Pimpernel et le jeune magicien hollandais Jacco Gardner…

Composé par un incurable curieux, qui se réclame autant du jazz que de musique psyché turc, Rhapsode se promène dans les dédales d’une pop fantasmagorique et mystérieuse. Un monde aussi étrange qu’intriguant où les Zombies, Billy Nicholls et les Beach Boys jouent dans des polars gores italiens et des westerns des années 70.

Sourire en coin à Brian Wilson, Rhapsode s’ouvre sur le rêveur Electric Mami, le nom du studio de ses potes d’Aquaserge à Toulouse, où il a pris ses habitudes quand il ne bricole pas à la maison. S’invite dans des contrées plus orientales (Miguel El Salam), fait des clins d’oeil au fantôme de Gainsbarre période Melody Nelson et Homme à tête de chou (Joe & Rose) et chante les siestes vertes (Green Nap), « celles qu’on fait quand on a fumé ». Chez les Grecs, Rhapsode désignait un poète qui courait de ville en ville réciter les oeuvres des autres. Forever Pavot, lui, les réinvente avec classe, ingéniosité et savoir-faire. Attention, disque hallucinogène.

  • DISTRIBUÉ PAR BORN BAD.

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