Dour n°30, le bilan

Alex Stevens © K.D.
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avec quelque 228.000 personnes réunies pendant cinq jours sur son nouveau site, le festival de Dour a réussi son déménagement, changeant d’air, mais pas d’esprit. Petit débriefing avec son programmateur, Alex Stevens.

Une moyenne de 45.000 spectateurs par jour; 40.000 campeurs; plus de 200 groupes présents (pour une seule annulation)… On peut aligner les chiffres: Dour n’en manque pas. Mais allait-il réussir à préserver cette atmosphère si particulière, alors qu’il quittait les terrils de la Machine à feu? Après cinq jours sur place, sous le cagnard, on peut répondre par l’affirmative. Moins « personnel », mais plus pratique et aéré, le nouveau terrain, planté au milieu d’un champ d’éoliennes, ne manque en effet pas d’atout. Mais surtout, si le décor a changé, les acteurs, eux, sont restés les mêmes. Et c’est sans doute cela le plus important. Car c’est bien le petit peuple de Dour qui est au final le meilleur garant de ce fameux esprit, le gardien de la flamme.

Le changement de site était le gros pari de cette trentième édition: votre premier bilan?

À la base, le déménagement s’est imposé parce que nous n’étions plus certains de disposer des mêmes terres sur l’ancien site. Mais ce n’était pas la seule raison: au fil du temps, on est passé d’une affluence de 1000 personnes à 50.000 par jour, forcément une série de choses devenaient problématiques. C’est la conjonction de ces deux facteurs qui nous a poussés à traverser la grande route, et emménager sur un site où l’on peut faire ce que l’on veut. Du coup, on a pu poser des choix plus logiques: aussi bien pour les festivaliers – en termes de parking, de camping -; mais aussi pour les volontaires, les artistes, la presse… C’est plus confortable pour tout le monde.

Les avis sont assez unanimes: Dour a gagné sur l’aspect pratique ce qu’il a peut-être perdu en charme, avec un ancien site qui avait un cachet particulier.

Oui, mais ce charme est venu en 29 éditions. C’est parce que chacun y a vécu des choses, écrit des souvenirs, vécu des moments forts, fait des rencontres, que l’on s’y est attaché. Personnellement, je viens à Dour depuis 1997. J’ai compté: en gros, j’ai passé quasi 100 jours sur l’ancien site. Forcément, cela m’a laissé le temps de graver des souvenirs. Donc ce déménagement, c’est un peu comme quand on change de maison. Certes, on perd sans doute quelque chose. Mais l’avantage, ici, c’est que tout est possible. À commencer par planter des arbres, par exemple, c’est un peu ce qui manquait cette année. Dans l’absolu, on dispose de 240 ha. Cette année, on n’en a utilisé que 120. Cela laisse une marge de manoeuvre. Pas forcément pour encore faire grandir le festival, mais pour continuer d’innover.

Avec 228.000 spectateurs, l’affluence était un peu moins importante que les deux éditions précédentes (242.000 en 2017).

C’est vrai, mais pour nous, cela reste une belle réussite. On a fait un bon festival tout simplement. Si l’on veut quand même gratter, on pourrait peut-être expliquer cela par la Coupe du monde, ou le fait que cette année Rock Werchter et le Main Square se déroulaient la semaine juste avant… La scène drum’n’bass, qui était très forte l’an dernier, a aussi un peu moins fonctionné cette fois. Mais au final, on parle d’une baisse de 2000 personnes par jour sur 50.000. Cela reste anecdotique.

Enfin, musicalement, le Dour 2018 était-il une bonne cuvée? Le programmateur est-il content?

Avec Mathieu (Ndr: Fonsny, l’autre programmateur principal du festival), on essaie de voir au moins 5 minutes de chaque concert, ne serait-ce que pour vérifier si on a mis le bon groupe au bon endroit au bon moment. On a l’impression de ne pas avoir fait beaucoup d’erreurs. Peut-être la Caverne a-t-elle été plus compliquée en journée, les jeudi et vendredi. On a aussi observé la nouvelle génération des millenials, qui s’en fout un peu de la qualité du show et qui a surtout envie de faire la fête. Du moment qu’il y a un beat et un MC, ça passe: ils s’amusent, ils chantent… C’est une autre manière de consommer le festival, qui existe aujourd’hui, pour laquelle il faut faire aussi de la place – par exemple en programmant Booba. Il faut que le festival continue d’évoluer avec son temps.

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