Critique | Musique

Beck, effrontément pop

Beck © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Trois ans après le très pastoral Morning Phase, Beck se jette à corps perdu dans la pop FM. Épatant par instants, plus anodin sur la longueur.

En 2015, à la surprise générale (y compris la sienne), Beck remportait trois Grammys, dont celui du meilleur album, pour Morning Phase. Pas mal pour un artiste qu’on pensait un peu perdu et qui retrouvait pour le coup la grâce acoustique de son chef-d’oeuvre Sea Change. Qu’allait faire Beck après ce triomphe à tout le moins inattendu? Rien de plus (ou de moins) que ce qu’il a toujours à peu près fait, tout au long de sa carrière: changer d’air et de registre. Depuis le carton de son premier album officiel Mellow Gold (1994), pièce angulaire d’un certain slacker rock nineties entérinant le triomphe de la postmodernité dans le rock, Beck n’a en effet cessé de jouer les caméléons. Bidouilleur folk, hobo hip-hop, expérimentateur grunge, funkateer princier ou troubadour en plein spleen amoureux: Beck a toujours été partout, de préférence là où on ne l’attendait pas. Pour succéder à Morning Phase, le scénario était donc connu. Celui d’un nouveau revirement. Avec cette fois des ambitions affichées très tôt. Tout au long de ces deux dernières années, Beck a en effet annoncé la… couleur, en laissant échapper une série de titres: Dreams, Wow, Up All Night ou encore Dear Life. Lancés en éclaireur, ils assuraient un 13e album pop. Effrontément pop.

Couleurs délavées

Le processus a démarré il y a un bon bout de temps. En réalité, au moment où Beck se voyait récompensé pour Morning Phase, les premières pistes de Colors avaient déjà été tracées. C’est dire si le chantier fut long. Pour en arriver à bout, Beck a pu compter sur l’aide de Greg Kurstin. Les deux se connaissent bien, depuis que le second a accompagné le premier sur la tournée Sea Change au début des années 2000. Depuis, pas mal d’eau a coulé sous les ponts. De musicien de studio réputé, Kurstin a en effet muté en producteur superstar, présent au générique de quelques-uns des plus gros blockbusters pop de ces dernières années (Sia, Adele, etc.).

À cet égard, avec ses accents eighties appuyés et son insistance à vouloir capter l’attention dès les premières notes, Colors joue le jeu à fond. Beck lui-même ne s’épargne pas et mouille le maillot. Réussit-il cependant à y mettre son grain de sel, comme il l’a toujours fait sur les exercices précédents? C’est moins sûr. Plusieurs mois après avoir été dévoilés, les titres précités tiennent toujours la route: aussi ironique qu’accrocheur, ne négligeant pas l’une ou l’autre autocitation bien amenée, Wow reste certainement le single de Beck le plus réussi depuis Sexx Laws (sur l’album Midnite Vultures en 99), tandis que Dreams continue d’honorer ses promesses -celles d’« essayer deux, trois choses à la fois », pour reprendre les propos de l’intéressé. Aussi efficaces soient ces morceaux, ils perdent pourtant bizarrement pas mal de leur séduction une fois intégrés dans le reste de l’album. D’une certaine manière, Colors donne paradoxalement l’impression de tout délaver. Certes, l’effort est maîtrisé. Mais peut-être à l’excès, comme le laisse penser la longue gestation d’un album qui gagne en efficacité ce qu’il perd en fulgurances.

Beck, « Colors » , distribué par Caroline. ***

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content