Alice on the Roof: « J’ai eu envie qu’on me prenne au sérieux »

Alice on the Roof: "Quand je refaisais ma rhéto en Oregon, je chantais dans une chorale une heure tous les jours mais aussi dans le jazz band local, à 7h du matin." © Julie Calbert
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Higher est le premier album caressant d’une jeune fille pas aussi Easy Come Easy Go qu’il n’y paraît, et dont la dream pop plane sur d’agréables certitudes mélodiques.

« Je suis quelqu’un de timide et assez à fleur de peau. Grâce à la musique, je me suis libérée et j’ai affronté le regard des autres qui m’oblige à me remettre tout le temps en question (…). J’ai une image de petite fille gentille mais j’ai pris le temps de me poser et de réfléchir pour sortir de cela. » Voilà ce qu’Alice nous confiait début septembre 2015, dans un café de la Grand-Place de Mons, pour un projet de biographie. Nonante minutes de cool causerie plus tard, voilà reconstitué le trajet de la fille. Née à Soignies le 23 janvier 1995, elle sort un premier EP aux chansons fluides qui surprend par sa jolie voix hélium/papier froissé. Le succès pointe assez vite. La quasi-inconnue -vue à The Voice 2013- semble être passée à toute allure de son village hennuyer aux scènes du BSF, des Ardentes et du Pukkelpop de l’été 2015. Amenant un camarade, naturellement soupçonneux, à demander: « C’est pas bizarre que cette fille décroche aussi vite ce genre de plans? » Juste après la rencontre montoise, Marc Pinilla, son producteur, boss de Suarez, relaie un mail d’Alice: « Philippe CorneR (sic) était vraiment très cool. » Rien n’annonce alors que « la gentille petite fille » renverra dans la foulée la bio proposée barrée de rouge sur tout « ce qui ne va pas ». Seront ainsi rayés: « Verseau ascendant inconnu » (elle: « à ne pas dire »), « Voix soprano » (« à ne pas dire »), « fan d’expériences » (« à dire autrement »). Ou bien Alice est une emmerdeuse d’envergure, genre de petite Lou Reed wallonne, ou bien elle est une control freak qui maîtrise mal sa franchise. Ce qui amène à poser néanmoins une vraie question: pourquoi, à presque 21 ans, et alors que les compliments pleuvent et que le public est au rendez-vous, gérer son image comme si elle se devait d’être différente de ta vie? Sigmund, tu nous as compris.

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Prom Queen

Contrairement à 95% des concurrents de télé-crochets, Alice on the Roof (traduction littérale de son patronyme « Dutoit ») a prolongé l’expérience cathodique. Dans The Voice 2013, elle chante entre autres L’Eau à la bouche de Gainsbourg et Toxic de Britney Spears, va jusqu’en demi-finale et, last but not least, tape dans l’oreille du juré Marc Pinilla. Alice: « The Voice m’a appris à me comporter sur scène et à mieux gérer les interviews: chanter une chanson du début à la fin m’a aussi forcée à me concentrer sur le sujet. J’étais un personnage très positif dans l’émission, j’ai eu envie que l’on me prenne au sérieux. » Papa on the Roof est ingénieur électricien et s’intéresse à l’art numérique, maman est une architecte qui aime la world: tous deux ont la quarantaine et « adorent Bowie et Peter Gabriel ». Le décor classe moyenne tranquille d’un village hennuyer où elle habite encore chez ses parents décolle vers l’Oregon lorsqu’Alice refait sa rhéto en immersion au lycée de Brookings, 6336 âmes: « Je me retrouvais en septembre 2011 au sud-ouest de la côte d’Oregon, vivant dans une famille. Je fréquentais la chorale locale, Sea Breeze, qui n’a rien à voir avec celle des Grillons à Hautrage où l’on reprenait du Pierre Rapsat, me faisant alors rêver de Scala. A Brookings, on chantait Sting ou de grosses productions US mais les Américains sont bien davantage performers, j’étais fascinée par leur culot. Je ne suis pas religieuse mais aux USA, j’avais pas mal d’amis mormons et je les accompagnais volontiers à l’église: cela peut être chouette d’avoir un guide qui t’accompagne et te rassure. Je suis partie de là-bas avec un supplément de confiance en moi et le titre de Prom Queen (sourire). » Pinilla enregistre des maquettes avec Alice, et lui décroche via sa propre compagnie –Label et Labet (sic)- une signature à l’international chez Sony France, Pias distribuant en Belgique. Pas mal…

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La suite reste dans la ligne d’Alice au pays des merveilles: pas seulement la teinture rose qui vient lui rincer la tête mais aussi la collaboration fantasmée, pour son premier album Higher, avec Tim Bran, Anglais ayant produit London Grammar: « J’aime beaucoup ce groupe, comme La Roux, Sigur Ros, la Danoise Oh Land, Beirut et Bon Iver. Quand Tim a accepté de travailler avec nous, on lui a demandé de faire un compromis entre le côté aérien de la musique et des sons plus agressifs. Il n’y a pas de vraies batteries sur le disque, mais des tambourins et des dizaines de claviers analogiques. » Alice et Marc Pinilla ont travaillé par brèves sessions londoniennes une pop qui se veut « au croisement de l’indé et du popu ». Les textes d’Alice passent aussi par Joe Hammill, Mancunien des folky Cattle & Cane qui adapte le premier jet d’écriture à la langue anglaise, histoire que les mots soient aussi glissants que la musique. « J’ai l’impression que je fais maintenant la chose la plus effrayante de toute ma vie, précisait Alice en septembre. La grosse tête n’est pas dans mon ADN et je me concentre énormément sur les challenges à relever. » Alice on the Roof sera en mars à South By Southwest, rendez-vous texan de la « next big thing » internationale. Y était en 2015 Stromae, autre Belge soucieux de sa communication.

Alice on the Roof – Higher ***

Alice on the Roof:

Onze titres, dont trois déjà inclus dans l’EP sorti en 2015 (avec le tube Easy Come Easy Go). L’album est dans le prolongement de cette pop rêveuse qui marie la jeune voix d’Alice aux synthés. Sensations analogiques légèrement années 80, poussées par quelques pulsions électros contemporaines. C’est agréable, un rien dominé par les ballades sur les tempos plus rythmés, funk affleurant (Lucky You), américano-soul comme du Chic light (Feel Tonight). Les deux derniers titres, plus aérés peut-être, n’empêchent pas l’ensemble d’être un rien otage d’une formule. Alice a du talent mais, pour notre bien, devrait se faire un peu plus de mal.

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

DATES DE LA TOURNÉE, EN PARTIE SOLD-OUT, SUR WWW.ALICEONTHEROOF.COM

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