Don Rosa, dessinateur de Picsou: « le pire et le meilleur des boulots »

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Le sexagénaire américain, dessinateur de Picsou, fait aujourd’hui l’objet d’une édition à la fois populaire et luxueuse de son oeuvre, marquée du sceau de l’industrie.

Don Rosa, dessinateur de Picsou:

Don Rosa, né en 51 dans le Kentucky, ne dessine plus depuis huit ans. Officiellement pour un décollement de rétine qui l’empêche de manier convenablement un crayon qu’il n’avait pourtant pas lâché pendant un demi-siècle et des milliers de pages quasi exclusivement consacrées à Picsou. Officieusement et sans le dire trop clairement, pour ne pas risquer de procès, parce qu’il ne supportait plus les conditions de travail de la Disney Corporation, et de manière générale le sort réservé aux Etats-Unis aux dessinateurs de comics, salariés précaires de l’industrie qui les emploie, et qui possède tous les droits des personnages de leurs séries. Don Rosa ne touchera jamais de droits sur les milliers de pages de BD qu’il a créées pour Disney, même ses planches ne lui appartiennent pas. « Je saturais complètement, j’ai longtemps lutté et contesté, j’en ai été réellement, profondément déprimé, nous a expliqué l’Américain dans un coin d’une des bulles d’Angoulême. Et tout ça alors que je faisais le meilleur job du monde, le travail de mes rêves, le seul que j’ai jamais voulu faire: dessiner Donald et Picsou, et rien d’autre, à la suite de mon maître Carl Barks. Sur la collection de livres édités aujourd’hui par Glénat, et sur laquelle j’ai vraiment beaucoup travaillé, je ne toucherai aucuns droits. J’en toucherai juste un peu sur mon nom placé en couverture. Lui, il m’appartient. »

Absence d’ego

Un nom en couverture de ses livres, Don Rosa n’a effectivement pas connu ça chez Disney ni le soin apporté aujourd’hui à l’intégrale que lui consacre Glénat. Comme la plupart de ses pairs américains, Don Rosa aura connu longtemps l’anonymat, des conditions de production démentielles et un irrespect de l’oeuvre qui paraît aujourd’hui hallucinant, et inacceptable pour n’importe quel jeune auteur, fût-il moderne: impressions pourries en magazines, colorisations mal faites et refaites, découpages à la hache en fonction des éditions et des pays… « Je n’ai jamais, jamais vu mes dessins imprimés comme je voulais qu’ils le soient. Jamais. Il n’y a jamais eu de considération graphique, technique. Ici, j’ai enfin la chance de les voir enfin comme je les voulais, avec la bonne couleur, la bonne ombre, le bon encrage. Et c’est important! Mais chez Disney, et aux USA, ils ne comprennent pas les comics, les codes, la grammaire, ce qui est nécessaire ou pas. J’ai pris ma décision quand je me suis rendu compte que ça ne changerait jamais. Disney Corporation ne changera jamais. »

Don Rosa, dessinateur de Picsou:

Considéré aujourd’hui, tel son aîné Carl Barks, comme un grand maître de la bande dessinée américaine, lauréat d’un Eisner Award et réputé pour son souci du détail et ses qualités de narration, Don Rosa, pourtant, se distingue encore des modernes par son manque total d’ego et d’ambition, en opposition à la qualité de ses Picsou. « Inventer d’autres histoires, ça ne m’intéresse pas. Créer mes propres personnages non plus, j’ai eu les meilleurs à ma disposition. Ceux que j’aurais pu créer la semaine dernière, ils n’ont pas accompagné mon enfance, je m’en fous, ils n’ont pas d’importance. J’ai grandi avec les personnages de Carl Barks, ils signifient quelque chose, ils font partie de moi. Mon enthousiasme a souvent été piétiné, je veux juste que les vieilles histoires soient enfin vues, les miennes comme celles de Carl, comme elles méritent de l’être. »

INTÉGRALE DON ROSA – LA GRANDE ÉPOPÉE DE PICSOU (T7), ÉDITION GLÉNAT. 304 PAGES.

Un documentaire sur Don Rosa, présenté à Angoulême, sortira bientôt: Le Mystère de Picsou (The Scrooge Mystery)

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